Le 13 avril dernier, j’ai assisté au «Ciné-débat: La Belle et la meute», une activité organisée dans le cadre du Festival Cinéma du Monde de Sherbrooke (FCMS). Cette activité avait lieu au Centre culturel à l’Université de Sherbrooke et était divisé en trois temps. Il y avait d’abord le visionnement du film «La Belle et la meute», puis il y avait une viscio-conférence avec la réalisatrice du film en question, en direct de Paris, Kaouther Ben Hania suivi d’un panel animé par Sébastien Lebel-Grenier, doyen de la Faculté de droits à l’Université de Sherbrooke. Dans ce panel, plusieurs expert.es donnaient leur avis sur le film en soi mais également sur les violences sexuelles en soit, le contexte social dans lequel il s’inscrit et des éléments particuliers se rapportant aux différences interculturelles des violences sexuelles. Les panélistes en question étaient Annie Ouellet, Fannie Lafontaine et Mélanie Lemay.
Annie Ouellet, psychoéducatrice de formation, est intervenante au CALACS Agression Estrie mais occupe également le poste d’agente de recherche pour l’Université de Sherbrooke en matière de violences à caractère sexuel. Fannie Lafontaine est pour sa part avocate et est professeure titulaire à la Faculté de droit à l’Université Laval ainsi que titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux. Mélanie Lemay est cofondatrice et co-porte-parole de Québec contre les violences sexuelles ainsi que l’une des fondatrices du Mois d’échange et de sensibilisation sur les agressions sexuelles en milieu étudiant (MESSAGE) et du tout récent programme «Consensus».
Pendant le visionnement du film, les presque 70 personnes s’étant déplacées pour assister au visionnement du film sont demeurées silencieuses. Quand le visionnement s’est terminé, les panélistes ont exprimé en mots ce que plusieurs semblaient penser. En effet, ils ont mentionné que le film était poignant, très touchant et qu’il montrait avec une grande habileté les différents aspects faisant partie prenante de la réalité d’une personne victime de violences sexuelles.
Les panélistes ont su soulever, durant la soirée, des éléments d’importance concernant la réalité actuelle entourant les violences sexuelles. Selon Annie Ouellet, les mouvements #Moiaussi et #EtMaintenant, ainsi que tous ceux les ayant précédé tels que #Agressionsnondénoncées, a un effet positif sur la lutte contre les violences sexuelles et la crédibilité que l’on accorde aux plaintes des victimes:
«On sent des changements de culture et avec les mouvements hashtags les services ont doublé en un an. On peut voir ce phénomène de différents côtés, mais la vérité c’est qu’on voit de plus en plus de dénonciations, les gens vont davantage chercher de l’aide, en parlent et brisent le silence. Ces changements positifs font en sorte qu’un changement de culture s’installe et je crois que les mouvements hashtags donnent donc le courage aux victimes de dénoncer et le courage de poursuivre en ce sens.»
Fannie Lafontaine poursuit sur la lutte bien particulière des femmes autochtones agressées sexuellement:
«Je crois qu’il faut avoir des attentes très limitées envers le droit qui va être assez limité au bout du compte et cela représente un enjeu partout à travers le monde. Un vécu de violences sexuelles, surtout judiciairement parlant, est différent pour des gens issus d’autres types de diversités. Les Autochtones, par exemple, son constamment confrontés aux préjugés entretenus à leur sujet sur le fait qu’ils aient une culture libertine et des problématiques de consommation d’alcool.»
Mélanie Lemay précise plus tard qu’il faut également porter attention à nos propres préjugés en tant que société et individus:
«Nous devons changer nos perceptions des agresseurs puisque tant que l’on considère ces personnes comme dégueulasses et qu’on est incapable de les voir comme notre frère, notre père, bref, tant qu’on est incapables de détacher le phénomène de la personne et qu’on ne fait pas l’association avec la culture qui la sous-tend, on sera incapable d’agir en conséquence. La façon dont on perçoit le phénomène socialement contribue encore plus au fait qu’il y ait réticences à dévoiler.»
Bref, ce qu’il est possible de retirer de cette activité est que le phénomène de violences sexuelles est un phénomène social, transculturel et donc, vécu différemment selon les cultures, mais toujours bien présent. Il est primordial de considérer le phénomène comme d’origine sociale et d’effectuer des changements dans cette optique pour qu’il y ait davantage de dévoilements, que l’on puisse briser le silence et mettre fin à la honte et permettre aux survivant.es d’avoir accès à une justice adaptée à leur réalité et à leurs besoins.