En 2011, le réalisateur Guy Édoin nous avait offert son premier long-métrage, Marécages. Le film racontait le drame qui s’abattait sur la famille Santerre, vivant sur une ferme laitière des Cantons-de-l’Est. Cette fois-ci, le réalisateur quitte le cinéma rural pour le cinéma urbain avec Ville-Marie. On retrouve encore une fois le personnage de Marie Santerre (Pascale Bussières), mais l’histoire de Ville-Marie se concentre aussi sur le destin de trois autres personnages.
Le film choral raconte la vie de l’actrice Sophie Bernard (Monica Bellucci) qui est de passage à Montréal pour venir tourner un film. Son fils Thomas (Aliocha Schneider), étudiant de la métropole, profite du passage de sa mère pour enfin connaître l’identité de son géniteur. Pierre Pascal (Patrick Hivon) est un ancien militaire devenu ambulancier et, finalement, Marie Santerre revient à son ancien métier d’infirmière. Un accident rassemble tous ces personnages sous le toit de l’hôpital Ville-Marie de Montréal.
La scène d’ouverture frappe de plein fouet et donne le ton au long-métrage. Malheureusement, ce rythme s’essouffle rapidement et bien que l’histoire demeure dramatique, elle ne réussit jamais à surprendre autant que comme elle le fait au tout début. Le tournage en 35 mm embellit l’image et rend le film plus organique, comme le mentionnait Guy Édoin, de passage à Sherbrooke le 1er octobre dernier.
Un thème majeur qui revient dans cette histoire est la guérison. Pierre Pascal, cet ambulancier tourmenté par le syndrome post-traumatique d’après-guerre, tente de retrouver une vie normale, malgré sa grande consommation de médicaments. Marie Santerre, qui s’échappe dans le travail à outrance, s’efforce de faire la paix avec son triste passé. Sophie Bernard, quant à elle, est confrontée par son fils Thomas sur la question de l’identité de son père et tous deux se voient finalement entraîner vers un deuil ou plutôt une guérison.
En plus d’être un film choral, Ville-Marie propose une mise en abîme, en mettant en scène le film Rue du paradis, cette fiction que Sophie Bernard vient tourner à Montréal. Cette technique rappelle un peu le cinéma d’Almodovar. Cet ajout vient par contre alourdir ce récit déjà bien rempli. Les films de Guy Édoin sont marqués par le silence, le sexe et la violence qui s’entrechoquent et Ville-Marie n’y fait pas exception. Le film critique aussi au passage le système de santé surchargé, les chantiers routiers interminables et l’architecture qui laisse parfois à désirer. Ville-Marie est un personnage additionnel présent tout au long de l’œuvre, qu’on ne retrouve pas seulement avec l’hôpital du même nom, mais par son tunnel également et sa tour, qui éclaire et protège, tel un phare dans la nuit.
La distribution de Ville-Marie impressionne. Premièrement par la présence de Monica Bellucci, cette actrice légendaire, qui campe à merveille le personnage de Sophie Bernard, une actrice renommée. Sa seule présence à l’écran insuffle un côté glamour à l’œuvre et se prête très bien avec la mise en abîme que propose Édoin. L’actrice de renommée internationale accepte à plusieurs reprises d’apparaître sous l’œil de la caméra, sans maquillage et sans artifices, ce qui est tout à son honneur. Aliocha Schneider, qu’on a parfois tendance à confondre avec ses autres frères acteurs, est tout à fait crédible dans son rôle de fils d’actrice populaire. Il ose et nous fait rapidement oublier son passé de séries jeunesse. Patrick Hivon, toujours aussi intense qu’à son habitude, convainc dans son rôle d’ambulancier torturé. Marie Santerre, interprétée par Pascale Bussières, nous rappelle le grand talent de cette actrice, à la feuille de route impressionnante. En entrevue, elle affirmait que c’était un plaisir de reprendre ce personnage et de l’approfondir. Mentionnons les performances de Louis Champagne, Frédéric Gilles et Stéphanie Labbé.
Si Marécages était une suite de tragédies lourdes, Ville-Marie est quant à lui, malgré ses moments tragiques, un film qui donne de l’espoir. Comme un début de guérison.