#ubilove #sherbrookeavendre Il y avait de l’amour dans l’air entre la ville de Sherbrooke et Ubisoft quand nous avons lu le communiqué de la ville du 16 novembre dernier pour « favoriser l’inclusion sociale ». Les médias ont même repris le plan d’action comme étant une volonté municipale de lutter contre la gentrification (embourgeoisement) du centre-ville.
Regardons de plus près le contenu et qui en est l’acteur privé principal; Ubisoft. En investissant 330 000 $ sur cinq ans dans ce plan, Ubisoft ose sans gêne affirmer : « Comme nous l’avons fait à Montréal, Québec et Saguenay, nous nous impliquons positivement dans notre nouveau milieu de vie à Sherbrooke. ». Wow ! C’est donc ben merveilleux la symbiose dynamique de la revitalisation ! Le conseiller du secteur également président de l’Office municipal d’habitation (OMH), Raïs Kibonge, annonce même que « notre démarche vise un centre-ville où se croiseront des sourires fiers, confiants et optimistes. ». Mais la palme revient à la mairesse Évelyne Beaudin qui qualifie Ubisoft « d’excellent citoyen corporatif » avec des remerciements pour s’impliquer dans le milieu avec son expertise !
C’est à se demander si c’est bien le communiqué de la ville ou bien celui des relations publiques d’Ubisoft. Excellent citoyen corporatif ? Est-ce la ville qui est finalement au service d’Ubisoft plutôt que le contraire ? Est-ce que ce plan d’action et celui annoncé sur le logement auront du poids face à ce processus structurel parallèle destructeur-créateur qui en mène large déjà depuis des années ? Des partenariats entre des institutions publiques et des grandes corporations en leur déroulant le tapis rouge ce n’est pas nouveau.
Car Ubisoft est une transnationale française de jeux vidéo reconnue pour:
1- Son expérience d’acteur central dans l’embourgeoisement du Mile End à Montréal, à St-Roch à Québec et au centre-ville de Saguenay. Prenons le Mile End qui depuis 25 ans et l’arrivée d’Ubisoft et de ses 3000 employé.es a changé de visage pas mal. Son abordabilité résidentielle, ses espaces commerciaux locaux, ses artistes émergent.es si caractéristiques ont laissé place à un quartier de jeunes professionnel.les aux logements et à la location commerciale complètement inabordables. Bref, de quartier ouvrier et populaire le Mile End est devenu terrain de jeu pour les riches investisseurs et une couche de professionnel.les du numérique. Phénomène qui se reproduit d’ailleurs dans le quartier voisin de Parc-Extension devenu en partie le Mile-Ex plus récemment.
2- Avoir des conditions de travail productivistes et hiérarchiques, avec une culture sexiste dans sa gestion et une aversion envers les syndicats. Soulignons que Metoo a frappé Ubisoft en 2020 ici et dans plusieurs pays. Les développeurs de talent sont protégés depuis trop longtemps dans cette industrie fortement masculine. Les récents développements en France démontrent qu’Ubisoft n’a pas connu de transformation majeure depuis essayant toujours de protéger ceux d’en haut dans la hiérarchie et les talents. On assiste plutôt à des démarches visant à soigner l’image corporative sans que les travailleuses aient une place dans l’évaluation des plaintes par exemple comme on l’a vu en France. À Sherbrooke, Ubisoft a annoncé qu’il collaborera avec le programme de Mentorat des femmes en sciences de l’Université de Sherbrooke. Ce programme vise à favoriser l’adhésion des femmes aux carrières scientifiques et encourage le développement du leadership féminin. À suivre de près.
3- Comme étant une corporation record en gavage de subventions publiques et de crédits d’impôts depuis son arrivée au Québec il y a 25 ans. On estime même qu’Ubisoft serait déficitaire sans ce soutien public et que la part des crédits d’impôts peut aller jusqu’à 37,5 % de la dépense en main-d’œuvre, soit plus de 100 millions de dollars annuels. Ce qui fait que sa « généreuse implication citoyenne » ne représente qu’une infime partie de l’argent public reçu en plus de servir son image.
4- Pour la privatisation du savoir et du profit avant tout allant jusqu’à vendre des objets virtuels en créant une fausse rareté pour s’en mettre plein les poches dans la tradition des GAFAM de ce monde.
La volonté de l’administration municipale et de son partenaire privé de choix Ubisoft vise à gérer les dommages collatéraux d’une guerre sociale déjà commencée il y a longtemps. Qui se souvient de la buanderie sur la Well. Nord ou des 4 et demi à 400 $ ? Pour ma part, cette revitalisation symbolise plutôt la dépossession des besoins de la vie au profit de ceux de la marchandise. Nous y penserons en souriant lors de notre future marche au Centro quand nos regards verront l’enseigne lumineuse d’Ubisoft trônée sur la Well Sud inc.orporée. Trônée sur l’Espace Centro comme des corsaires modernes bâtant le pavillon légal de l’appropriation au service de leur roi Capital. Un projet au cœur des priorités de François Legault et de la CAQ pour des fameuses jobs payantes (applaudissements et sourires exigés pour le consensus national et social). Payantes, et essentielles ? Un monde d’Ubisoft et de GAFAM, c’est un monde incompatible avec l’habitat des territoires et qui sert une minorité. Assurément, il faudra plus que des voix critiques pour construire un autre type de relations sociales des communs et en harmonie avec les écosystèmes.