Lorsque je suis arrivée au journal communautaire Entrée Libre, le premier ordinateur de l’organisme m’avait précédée d’à peine quelques mois. C’est tout dire. Cela nous ramène vers la mi-temps des années quatre-vingt-dix. Je n’ai pas connu la période précédente où la dactylo, le découpage et le montage à la main régnaient en maître. Tout de même, nous en étions au premier balbutiement informatique et, si par malheur nous devions retrancher quelques mots dans une colonne, le texte en entier s’énervait et se déplaçait. La patience et la foi en un résultat final acceptable étaient de mise.
C’était l’époque où l’on disait qu’une image vaut mille mots, mais dans notre cas c’était souvent problématique vu la qualité douteuse de l’image… Qu’importe! On se rabattait sur le texte. Nous formions une belle gang qui, au départ, ignorait presque tout de la production du journal et de la vie associative et démocratique de l’organisme. Pour le collectif, l’éducation populaire autonome (son credo) s’exprimait par un apprentissage continu des normes de l’écriture journalistique et des valeurs d’équité et de justice sociale. C’est aussi au fil de ces années que nous sommes passés du ministère de l’Éducation au ministère de la Culture et des Communications.
Aujourd’hui, une autre belle gang milite au journal. Un responsable m’a confié qu’Entrée Libre recevra sous peu une aide financière du ministère pour l’obtention de matériel informatique des plus performants. Mon esprit critique s’est souvenu. Bien que je me réjouisse de cette aide qui permettra un meilleur arrimage aux diverses technologies de l’information, force est de reconnaître que la politique ministérielle en matière de subventions n’a pas évolué: très peu d’argent pour la reconnaissance et le financement de base, mais des programmes sporadiques pour l’acquisition d’équipements. Lorsque j’ai quitté, nous en étions à la caméra numérique…
J’ignore comment sera le journal dans dix ans. Parlerons-nous alors d’un journal graphique comme on parle actuellement du roman graphique? Nous en sommes à l’époque où l’on dit qu’un mot vaut mille images. Le défi sera de préserver ce mot pour l’empêcher de sombrer dans ce flot d’images afin qu’il demeure fidèle à l’idée qu’il représente.
En souvenir de Pierre Bergé, collaborateur et caricaturiste d’Entrée Libre malheureusement décédé, j’ai demandé aux responsables du journal qu’une de ses caricatures accompagne ce texte.
Félicitations et longue vie à Entrée Libre.
Louise Daigle a été coordinatrice du journal Entrée Libre pendant de nombreuses années.