LE CÉLIBAT, C’EST AUSSI BEAUCOUP DE TEMPS MORTS, DE MOMENTS PASSÉS SEULE À RÉFLÉCHIR
Je joue sur un fil qui dépasse de mes jeans, en essayant de mettre le doigt sur ce qui me tracasse. Le sentiment est vague, flou. J’suis un peu perdue dans ma tête.
Je repense aux dernières semaines, où j’ai eu quelques dates tellement semblables et ordinaires qu’elles se fondent les unes aux autres : un café au marché de la gare, un tour du lac des Nations, une accumulations d’irritants tout au long de la marche, jusqu’à ce que je mette poliment fin au rendez-vous. La seule variante était au niveau de la réaction, ensuite : tandis que certains me remerciaient de ma franchise, d’autres étaient vraiment insultés de la fin du rendez-vous. Tant pis.
J’essaye de bouger un peu, mes jeans me serrent plus qu’à l’habitude.
Je continue à réfléchir à mon inconfort qui grandit, d’un rendez-vous à l’autre. En y réfléchissant bien, je peux probablement en trouver l’origine à la terminaison de ma relation avec ma dernière fréquentation.
On est restés amis, comme convenus.
Ou en tout cas, comme je m’y suis résignée.
De son côté, lui ne manque pas une occasion de me rappeler que c’est terminé en me mentionnant sa nouvelle blonde à chaque fois qu’on s’parle. Ça me décrisse un peu, et en même temps j’me trouve niaiseuse d’avoir d’la peine.
Une fois, on discutait et quelque chose a retenu mon attention : il m’a parlé de son archétype de blonde. Il me disait qu’il fallait qu’il se voie la présenter à ses parents, et qu’il leur avait toujours présenté des filles du même genre. Des filles sérieuses.
J’me suis demandé en quoi je n’y correspondais pas.
Mes réflexions continuent, tandis que je me lève pour aller me regarder dans le miroir; j’essaie de comprendre pourquoi je me sens si étouffée dans ce que je porte. Je me regarde, un peu angoissée et avec l’impression d’en déborder.
Dans ma série de rencontres des derniers temps, j’essaie de trouver une constante pour expliquer ce qui m’ennuie. Il y a une question qui revient tout le temps et qui m’embête : « Qu’est-ce que tu cherches ? » Je ne sais jamais quoi y répondre. On dirait que cette question à elle seule me coupe l’élan de dater.
Maintenant, mes pantalons m’oppressent vraiment, pendant que je tire sur la taille pour diminuer l’inconfort. Le serrement commence à me faire paniquer.
Quand on me pose la fameuse question, je pense à ma relation avec mon ex, où les contraintes de notre couple me donnaient l’impression d’être en prison. Je repense à l’exaltation d’être enfin célibataire, enfin libre. Puis, je pense à cette déchirure que je m’explique mal; celle de me sentir remplacée, alors que c’est justement le fait qu’il n’y ait pas de cadre ou d’étiquette dans cette relation qui m’exaltait. Elle pouvait juste être.
Quand mes prétendants y répondaient, il y avait deux types de réponses : « je cherche du sérieux » ou « je ne cherche rien de sérieux, pour l’instant », en insistant bien sur le fait que ça pouvait changer. Et donc, de mon côté, je me retrouvais devant le constat que je serais soit évaluée comme une blonde éventuelle, soit comme quelque chose en attendant.
Face au constat qu’aucune des deux options ne me conviennent, je commence à me sentir prise au piège, comme je me sens prise dans mes jeans. J’ai un fort désir de liberté, mais je suis aussi à la recherche de la profondeur qu’ont les relations significatives. Est-ce que c’est moins sérieux pour autant ? Est-ce que c’est vraiment irréconciliable? Est-ce que suis condamnée à toujours vouloir quelque chose qui n’existe pas ?
Catherine Dorion appelle ça les rapetissements, les doutes qui accompagnent le désir.
Ses mots sont arrivés au bon moment, puis qu’aujourd’hui, j’ai décidé de me défaire de mes jeans trop petits et de commander « The Ethical Slut » sur Les Libraires.
On verra ben c’que ça fait, de choisir le désir.