Slam (ou la poésie comme verbe d’action)

Date : 8 avril 2012
| Chroniqueur.es : Sophie Jeukens
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Pour les anglos, le mot est omniprésent dans le monde du sport, que ce soit au basketball, au baseball ou au bridge (eh oui, ce sera bientôt un sport olympique!)

Pour les arabos, il s’approche du salam qu’on lance des tas de fois par jour en guise de bonjour.

Pour les francos, il rappelle peut-être surtout cette étrange danse collective aux allures de sport extrême à laquelle on se prête dans les shows où ça finit par bardasser un brin.

C’est que dans plusieurs langues, il signifie aussi, tout simplement, claquer. Cogner. Frapper.

Et il n’y a pas de doute que ce que l’on nomme aujourd’hui simplement le slam a frappé l’imaginaire de nombreux Québécois depuis quelques années.

Sauf qu’on n’y utilise ni batte, ni balle, ni arène; plutôt une scène et une langue, qui propulse des mots.

Le slam de poésie est issu d’un mouvement artistique et social né aux États-Unis au milieu des années 1980. Dans les tavernes des quartiers ouvriers de Chicago, Marc Smith, un jeune poète qui gagne sa vie sur les chantiers de construction, décide de clamer haut et fort sa poésie, après avoir tapissé son frigo de lettres de refus de la part de maisons d’édition. En prenant le parti de l’oralité, il s’inscrit dans une tradition vieille de plusieurs siècles; en prenant d’assaut les bars et leur faune bigarrée, il se met au défi d’intéresser un public qui est bien loin d’être conquis d’avance! C’est alors que naît le slam de poésie, cette structure échafaudée par un poète-charpentier, où la poésie performée rencontre la joute sportive dans un spectacle qui appelle à la participation du public.

Ainsi, le slam est un peu à la poésie ce que l’improvisation est au théâtre : en adoptant la structure du sport, bien ancré dans la culture populaire, la poésie et le théâtre, trop souvent perçus comme inaccessibles, font parler d’eux.

Mais attention : au slam, pas le droit d’improviser! Ni d’utiliser de la musique ou des accessoires, de dire le texte d’un autre ou de s’étendre au-delà des trois minutes réglementaires. Hors de ces quelques balises, c’est carte blanche pour le poète, qui sera jugé par cinq spectateurs, bourreaux sans pitié choisis au hasard pour chiffrer spontanément leurs élans du cœur.

Bien sûr, tout mouvement évolue.

Après avoir calqué la structure du sport jusque dans ses ligues nationales et ses tournois mondiaux, le slam s’est répandu sur tous les continents; partout où il a été adopté, il a aussi été adapté. Teinté d’une couleur locale. Puis popularisé, médiatisé et – oserions-nous dire? – commercialisé.

Toujours est-il que ce petit mot semble aujourd’hui bien pratique pour désigner à peu près toutes les formes de poésie orale, de la scène au disque.

On y a associé des rappeurs (et par extension, le rap en général).

On l’a assimilé à un style plus souvent qu’à son tour.

On a créé, sur le web, un Slam Idol.

Mais si le slam semble maintenant avoir les deux pieds bien ancrés dans l’industrie musicale, il n’en demeure pas moins un mouvement bien vivant sur des tas de scènes locales, où l’on se fait claquer des mots en pleine gueule, question d’en ressortir un peu K.O.

Parce que le slam, c’est avant tout un verbe d’action.

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