En cette ère qui vénère la consommation, prenons le temps de faire le point. Alors que les réserves d’eau douce diminuent à un rythme effréné, que nos ressources naturelles s’envolent plus vite qu’elles ne se régénèrent et que les crises du logement pleuvent, subvenir à ses besoins de base devient une sournoise lutte quotidienne.
Actuellement, nous atteignons des prix records pour simplement arriver à nous loger, à nous nourrir, à nous chauffer, et notre système de production alimentaire présente une déficience majeure. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le tiers des denrées alimentaires produites annuellement vont directement à la poubelle. Les émissions de gaz à effet de serre associées aux secteurs alimentaires, résidentiels et industriels n’ont jamais été si importantes. Considérant les problématiques environnementale et économique que représentent l’intensification de l’agriculture industrielle, la production domestique d’énergie et la production d’énergie de masse, il s’avère de plus en plus pertinent, voire urgent, d’étudier les possibilités qu’offrent les nouvelles formes d’agriculture urbaine, tout comme les habitations ainsi que les serres de type géonef (earthship en anglais).
Dépendants d’un système ?
Imaginons un instant que, demain matin, tous les services auxquels nous sommes habitués et desquels nous sommes dépendants (électricité, pétrole, magasins, épiceries, transports, etc.) ne soient plus disponibles. Qu’arriverait-il ? La pagaille, me direz-vous ! Et bien il s’agit d’un exercice intéressant, puisque c’est exactement la voie que nous prenons collectivement en ce moment même. Dans ce monde où nos besoins de base sont contrôlés par une économie sur laquelle nous avons peu de pouvoir, il est pertinent de décentraliser cette emprise, afin d’acquérir une indépendance et de « transcender » le système.
Combler ses besoins de base est une chose, le faire au détriment de l’environnement en est une autre. Et si nous avions le choix ? Le choix de cesser l’exploitation intensive de nos ressources naturelles pour nous chauffer, nous vêtir, construire notre habitation. Le choix de nous nourrir exclusivement de nourriture biologique et locale, cultivée à même notre demeure ? Le choix de vivre autrement.
Le concept du géonef
Le concept de cette maison écologique se base sur un objectif simple d’habitation durable pour tous. Ce type d’habitation révolutionne non seulement le mode de vie des gens qui y habitent, mais aussi la relation que ceux-ci entretiennent avec leurs besoins. Elle fournit de la nourriture, de l’eau et un logis pour tous, tout en favorisant une meilleure santé à ses habitants et en les responsabilisant.
Le concept du géonef est plus qu’une révolution architecturale, c’est un mode de pensée : mettre nos connaissances à l’œuvre afin que nos technologies et nos bâtiments « prennent soin de nous » et contribuent à la préservation de l’environnement. Ces habitations sont solides dans leur structure, mais surtout dans leur vision à long terme : elles subviennent aux besoins de base tout en ne dépendant pas d’un système qui vacille déjà, et ce, peu importe la direction dans laquelle évoluera le monde. La construction ni l’entretien de la maison ne dépendent de ressources comme le pétrole et l’électricité.
Depuis une vingtaine d’années, l’architecte alternatif Michael Reynolds expérimente des bâtiments de son cru à Taos, au Nouveau-Mexique. Après de nombreux essais-erreurs, six principes guident maintenant la construction : l’alchimie, le chauffage passif, la géothermie passive, la récupération d’eau, la production de nourriture et l’indépendance en électricité.
Le projet Serrebrooke
L’idée d’expérimenter ces principes sur le campus universitaire a germé cet automne au sein d’un groupe d’étudiants engagés dans le domaine de l’environnement et du développement durable. Les objectifs du projet sont de faire la conception, la construction et la gestion d’une serre solaire passive de type géonef sur le campus de l’UdeS. La serre sera un bâtiment construit sur le modèle géonef, autosuffisant en eau et en énergie, et destiné à une production maraîchère biologique et locale.
Le projet permettra de développer les connaissances et la technologie en lien avec les bâtiments durables. L’objectif est faire de l’UdeS la première université au Québec à développer et à perfectionner la technologie de serre solaire passive de type géonef. L’expérience permettra aussi d’intégrer des acteurs de la communauté universitaire provenant de plusieurs domaines afin de créer un laboratoire sur le campus pour le développement de procédés et de savoir-faire utiles à la construction de bâtiments durables, à l’agriculture biologique et aux technologies vertes. Un des buts à long terme est de créer une coopérative qui vendra des paniers de légumes biologiques à la communauté universitaire ou qui agira comme fournisseur local pour la coopérative alimentaire Café-CAUS.
Pour en savoir plus :
L’auteure est étudiante au Baccalauréat en études de l’environnement et responsable aux communications pour Serrebrooke.