Une critique sans trop divulgâcher.
Ce qu’il y a de plaisant dans le cinéma, lorsque nous voyons de nombreux films, c’est d’être sans cesse surpris.
Ce qui est marquant dans la surprise, c’est de voir que le cinéma québécois excelle avec cet élément qui nous est cher, mais également c’est de se voir, en tant que spectateur, être un acteur de nos choix, de nos questions sur les personnages et l’intrigue.
Ce qui subjugue dans une intrigue, c’est de s’enlacer avec les tentacules forts enivrants du thriller psychologique et de se demander comment nos personnages vont dénouer cela.
Le réalisateur, acteur Yan England (1:54, Les Pays d’en haut…) a les bons ingrédients et il nous concocte un très bon festin avec son deuxième long métrage : Sam.
Dans l’air du temps avec les Jeux olympiques de Tokyo, Sam, athlète de haut niveau en natation entraîné par sa sœur Judith, n’a qu’un rêve, celui de se qualifier pour les JO de Tokyo 2020, pourtant tout va déraper à la suite d’un événement tragique et l’enfermer, lui et ses proches, dans des nœuds psychologiques.
Un thriller psychologique haletant, intrigant, et sans demi-mesure, porté avec justesse par Antoine-Olivier Pilon, Mylène McKay, Milya Corbeil-Gauvreau et Stéphane Rousseau. Acteurs et actrices que nous n’avons plus besoin de présenter tant ils sont ancrés dans le paysage cinématographique ou télévisuel québécois.
Le journal Entrée Libre a pu s’entretenir pour la première fois depuis un an en rencontre physique avec l’équipe du film (quel bonheur de parler cinéma!):
Souley Keïta : Il y a parfois un équilibre qui fait basculer le spectateur dans son jugement, pourtant comme Sam, Judith, ou Océane, on ne jouit pas de cette liberté, coincé dans nos choix. Était-ce important pour vous de déstabiliser le spectateur?
Yan England : À la co-écriture avec André Gulluni, il y avait un désir de déstabiliser, mais surtout d’amener des revirements. La phrase qui a parti le film selon moi, c’est lorsqu’on est une personne qui est passionnée, une personne qui a un rêve, que l’on sait vers où l’on s’en va et qu’il y a quelque chose qui vient mettre le rêve en danger, jusqu’à où est-on prêt à aller pour ne pas tout perdre ? C’est une phrase qui amène plein de décisions ou d’indécisions et parfois dans un moment précis, il se passe quelque chose qui sort de notre contrôle et qui va avoir des répercussions sur un tas de personnes. C’était cela notre objectif. Sam a le sien. En tant que nageur de haut niveau, il sait vers quoi il veut aller et lorsqu’un événement arrive avec un risque de mettre en péril certaines affaires qui vont sans doute avoir des répercussions tentaculaires sur beaucoup de gens. Cela permettait de créer un effet thriller. Ce que j’aime d’ailleurs dans ce genre cinématographique, c’est que le spectateur est sur le bout de son fauteuil et il vit toute sorte d’émotions, mais également en se posant énormément de questions sur les personnages, sur les différentes intrigues. Dans la vie ou au cinéma, aucune personne ou aucun personnage n’est une couleur ou une autre parce que nous sommes un amalgame de différentes choses, nous sommes une multitude de choix et parfois on fait des choix par rapport à telle personne ou parce qu’on n’a pas su réagir à une situation. Les personnages dans le film vivent une panoplie d’émotions, chacun a ses secrets, chacun a ses mystères, mais également leurs surprises qui vont influencer le cours de leur vie et celle des autres. Nous voulions plonger le spectateur dans cette réflexion notamment à se demander si cela m’arrivait ou arrivait à quelqu’un que j’aime, quelle serait ma réaction.
Souley Keïta : Mylène McKay, vous interprétez Judith, la sœur de Sam. Ce personnage a soulevé une question, notamment celle où l’on se demande jusqu’à où est-elle prête à aller pour protéger Sam, mais surtout jusqu’à où est-elle prête à aller pour se protéger?
Mylène McKay : Je pense que Judith est Sam. En quelque sorte, protéger Sam, c’est se protéger elle-même. C’est une famille qui est extrêmement unie, car ils sont deux depuis un certain temps. Si Sam se porte mal, sa sœur le sent tout de suite. Je pense qu’elle protège surtout leur rêve, car ils ont souffert ensemble depuis un bon nombre d’années. Le film pose tout de même une question éthique, mais personnellement le choix de Judith est discutable.
Souley Keïta : Je suis pour devenir. Est-ce que vous estimez que malgré lui, Sam a un rôle prépondérant dans vos libertés, mais également dans le contrôle de vos vies ?
Milya Corbeil-Gauvreau : Absolument! J’adore dans la vie le phénomène de l’effet papillon. L’impact d’une décision d’une personne peut avoir des répercussions dans la vie des autres. Avec Sam, rien n’arrive pour rien, mais on se pose des questions. C’est sûr que sa décision prise à ce moment précis à un impact considérable sur sa vie, mais cela va également impacter la vie de plusieurs personnes. Je pense qu’il a un contrôle sur nos vies.
Mylène McKay : Je pense également la même chose. Nos vies sont une succession de moments. Je pense que l’on peut manifester des choses et essayer d’aller dans une direction, mais parfois la vie décide autre chose. Pour ma part, je me disais parfois que je vais retourner à l’école parce que le métier d’acteur ne fonctionnait pas, et à chaque fois, il y avait quelque chose qui me ramenait à mon métier, ne serait-ce qu’un petit rôle, etc. On peut faire des choix, mais il arrive que la vie soit souvent plus forte avec des imprévus. C’est un film où nous sommes obligés d’avoir de la résilience, de nous repositionner face à nous-mêmes et face à nos rêves. Cela ne pose pas uniquement des questions personnelles, mais également des questions spirituelles.
Antoine-Olivier Pilon : Je n’ai rien à ajouter (rires). C’est super beau ce que vous dîtes.
Milya Corbeil-Gauvreau : Je rajouterai un point. Il y a une phrase qu’Océane dit à Sam : « Ce qu’il t’arrive ce n’est pas toujours la faute des autres. » Malgré le fait qu’il y ait un événement tragique, les personnages d’Océane, de Judith ou de Marc prennent la vie différemment et ils en retirent tout de même un côté positif. C’est cela qui m’a le plus touché lorsque j’ai eu le scénario.
Souley Keïta : Ce que j’apprécie fortement dans le film, c’est la minutie des actes, au moment où l’on se pose des questions ou des éléments qui semblent disparaître, le spectateur obtient quelques minutes plus tard une réponse, une surprise qui resserre l’étau sur nos personnages, pouvez-vous nous en parler ?
Antoine-Olivier Pilon : Ce qui me vient à l’esprit c’est que j’ai l’impression qu’il y a des choses inévitables, avec le cycle naturel des choses. Je pense qu’avec le personnage de Sam, il y a un deuil à faire. Il a eu le contrôle dans sa vie, jusqu’à un certain âge, et malgré tout ce qu’il essaye de faire, il réalise que son défi est d’accepter de voir la vie faire les choses.
Yan England : Ce que j’aime dans le thriller, c’est le côté où il y a plein de choses qui arrivent et parfois on ne sait pas qu’il va y avoir des répercussions. Il n’y a rien d’anodin.
Souley Keïta : « Ne pose pas de questions, je ne te mentirais pas », pourtant voyez-vous en vos personnages, des êtres qui font des sacrifices, mais qui sont vains ?
Milya Corbeil-Gauvreau : Je vais parler pour mon personnage, car c’est cela qui m’attirait chez elle. Elle voit la vie d’une façon positive et qui ne se laisse jamais abattre. Par rapport aux sacrifices qui ne sont pas récompensés, elle n’en veut même pas à Sam. Pour moi, ce personnage est une leçon de vie, dans la vie c’est correct de donner sans attendre au retour.
Antoine-Olivier Pilon : Je pense que mon personnage prend un cours de vie au contact d’Océane. Il a eu un regard autre, notamment il est affecté par ses relations familiales, relations qui l’amènent à être égoïste. Son évolution dans le film, c’est de vraiment apprendre à ne plus se centrer sur lui, même si cela est nécessaire pour un athlète, et c’est une évolution que va lui apporter Océane.
Milya Corbeil-Gauvreau : Si tu te rates, ce n’est pas un échec c’est une leçon.
Mylène McKay : C’est la facilité de voir la vie autrement. Dans ce qui a été dit par rapport à la rapidité de la vie, par rapport aux sacrifices vains, je trouve que les personnages, chacun dans une quête différente, apprennent dans le film à être et non faire. C’est une des leçons du film, c’est que malgré ce qui est parti, il reste encore quelque chose de beau, il reste la vie.
Ce thriller psychologique très surprenant sera à voir dès mercredi 28 juillet dans les salles obscures de de La Maison du Cinéma.