Le verdict est tombé sur le projet Well inc. mais il est venu de là où on ne l’attendait pas: le consortium Custeau-SherWeb-FTQ retire son projet avant que le conseil municipal ne statue à son sujet. Ce coup de théâtre signe le point d’orgue d’une épopée qui a débuté sous la précédente mandature municipale. Comme dans les tragédies classiques, la table a été mise dès la première scène pour aboutir à la débandade. Pour rajouter un peu de chair et de drame à l’histoire, c’est la promise qui a décidé de renoncer aux noces. Clap de fin, applaudissements, stupeur et tremblement.
Dans les tragédies classiques, tout est écrit à l’avance. Il y a une notion de destinée, d’inéluctable, qui entraine invariablement les protagonistes dans une ornière tracée par plus grand qu’eux. Les personnages ont beau se débattre pour se donner l’illusion qu’ils ont les choses en main, donner un semblant de vie à leur histoire, leur sort est scellé dès le commencement.
On parle ici d’un projet pensé et construit dans le secret du cabinet du précédent maire Bernard Sévigny. Sa mainmise sur le conseil municipal d’antan lui permis de bâtir une machine électorale qui devait le renouveler à son poste, et ainsi se concrétiserait le projet. Faire de la rue Wellington Sud le «Quartier de l’entrepreneur», voilà une idée qui vous assoit en candidat respectable et visionnaire. Et on ne badine pas avec les moyens, tout comme avec l’amour: après avoir fait voter le rachat de terrains et la démolition de bâtiments sur la rue Wellington Sud, on présente des vidéos 3D de la nouvelle rue quelques jours avant le début de la campagne officielle. Bravo l’artiste! Oui mais voilà, la vie, la vraie, ne se dessine pas aussi bien que des maquettes en 3D. Le maire B. Sévigny a su si brillamment et consciencieusement se faire détester par une part importante de la population que son projet de réélection tombait à l’eau, tandis que le projet Well inc. soulevait beaucoup de questions sur ses objectifs et son mode de financement. D’ailleurs, les membres du Renouveau Sherbrookois et les anciens conseiller.es municipaux qui ont voté les rachats de terrains auraient pu s’exprimer pour confirmer la pertinence de cet investissement et soutenir le projet une fois l’élection passée. Silence radio de leur part, ce qui tend à confirmer deux choses: la thèse électoraliste du projet et l’absence d’idées au sein du Renouveau Sherbrookois autre que faire réélire le chef. C’est par son manque de transparence et son utilisation électoraliste du projet que le maire Sévigny a initié la dramaturgie qui s’est conclue par le retrait du consortium.
Les citoyennes et citoyens de Sherbrooke ont joué un rôle essentiel dans cette pièce. La population s’est fortement mobilisée pour réclamer, et finalement obtenir, de l’information sur le projet. Il existe un contexte global de défiance de la population envers la collusion du pouvoir du monde des affaires. Les protagonistes du projet ne l’ont visiblement pas compris. Le nouveau maire Steve Lussier avait promis lors de sa campagne de faire un moratoire sur le projet, mais ne s’est visiblement pas senti le courage d’assumer cette promesse devant le consortium une fois en poste. La communauté des gens d’affaire de Sherbrooke s’est fortement mobilisée dans la dernière semaine précédant le retrait du consortium pour faire aller de l’avant ce projet, sentant probablement le vent tourner. Trop d’intérêts particuliers étaient en jeux pour en faire un projet commun, rendant presque inéluctable une issue malheureuse.
En guise d’épilogue, un consensus général existe sur la nécessité de revitaliser le secteur de la rue Wellington Sud. Des consultations publiques ont déjà étaient faites sur cette question, et il existe un plan directeur d’aménagement durable du centre-ville de Sherbrooke publié par la ville en 2015. Maintenant que le consortium a eu la délicatesse, reconnaissons-lui cela, d’enlever un caillou bien embarrassant dans la chaussure du maire Steve Lussier qui ne souhaitait décevoir personne dans cette histoire, il est temps que la ville se penche sur les documents qu’elle a elle-même commandé et rédigé. De là pourront naitre des projets pour son développement, c’est-à-dire pour le bien et l’utilisation de toutes et tous. On souhaite que de cette histoire, une suite ne soit pas faite avec le projet de reconstruction du pont des Grandes-Fourches.