L’année dernière a été une catastrophe évidente pour toute personne moindrement sensible au sort de ceux et celles qui n’ont pas le privilège de vivre au sommet de la pyramide socioéconomique. Un véritable raz de marée de droite radicale a déferlé un peu partout sur le monde et notamment en Russie, en Turquie, en France et aux États-Unis. La menace d’une nouvelle forme de fascisme doit être prise au sérieux et il est parfois troublant de voir à quel point le déni est devenu une habitude pour plusieurs personnes.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas le temps de se morfondre et d’adopter une posture d’ironiste misanthrope même si la tentation est forte. Au contraire, il y a urgence d’agir et il est fort possible que 2017 soit l’occasion de tracer une ligne claire entre les attentistes et ceux et celles qui protestent contre le nouveau régime de haine qui se construit. Considérant les conditions actuelles, il semble qu’une esquisse de plan d’action doive être formulée. Ce plan, il faut le concevoir avant tout comme une sorte de double résolution politique. Voici donc une esquisse de ce qui doit être fait pour éviter autant que possible de reproduire cette sale année qu’a été 2016.
La première résolution qui devrait figurer dans l’agenda de toute personne qui proteste contre l’ignorance généralisée devrait être de chercher à s’éduquer elle-même le plus possible. Dans une ère où les fausses nouvelles circulent abondamment et dans laquelle l’information de qualité devient une denrée rare, il convient de se réapproprier la connaissance. Il est même possible d’imaginer que ce travail d’autodidacte soit en réalité ce qui manque le plus actuellement dans la société civile comme dans nombre de milieux de militantisme. L’ignorance qui a été le terreau fertile du populisme de la droite doit être contrée non pas par une sorte de populisme de gauche, mais par une offensive d’éducation populaire qui ne pourra avoir lieu sans un travail d’autodidacte.
La seconde résolution qui doit être effectuée et encouragée consiste à faire une grande autocritique des institutions qui participent à la résistance contre la droite radicale. En effet, il faut constater que ce qui a pavé la voie au populisme de l’«alt-right» américaine, c’est l’absence d’une véritable remise en question de plusieurs courants de la gauche étatsunienne. L’autocritique est ce qui permet à un mouvement d’éviter de se scléroser et ce travail doit nécessairement être accompli à gauche sans quoi ce sera par la droite que s’effectuera le coup de bulldozer. Très certainement, cette remise en question amènera son lot de turbulences, mais celles-ci peuvent très bien s’avérer salutaires dans un avenir proche. Il faudra aussi être prêt à délaisser certaines pratiques, certaines institutions et certains concepts, mais ce sera pour le mieux si le travail est bel et bien fait dans une perspective honnête d’autocritique.
Pour conclure, le sentiment d’amertume que laisse l’année qui vient de s’achever ne doit pas être un prétexte pour l’inaction. Au contraire, il y a nécessité d’agir contre le régime de haine et dans ce texte, deux tâches ont été esquissées. Il s’agit, dans un premier temps, de s’armer jusqu’aux dents de connaissances afin de lutter contre l’ignorance. Il faut ensuite procéder à une critique radicale des structures au sein desquelles l’action politique progressiste s’effectue généralement. Évidemment, ces résolutions sont insuffisantes pour donner le coup de barre nécessaire qui permettrait de contrecarrer la vague d’extrême droite. Néanmoins, il convient de s’adonner aux deux tâches décrites plus haut afin de cramper solidement les bases d’un projet qui, s’il est victorieux, doit parvenir à déraciner le fascisme en éliminant les conditions mêmes qui le rendent possible.