Radio-Canada : un pilier culturel menacé

Date : 7 avril 2025
| Chroniqueur.es : Sylvain Bérubé
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Le paysage médiatique québécois vit l’une de ses crises les plus graves, marquée par la fermeture des salles de rédaction et la disparition des voix régionales. Dans ce contexte, la présence d’un diffuseur public fort est plus essentielle que jamais.

Radio-Canada, en tant que société d’État, joue ce rôle vital, diffusant l’information et mettant en valeur la culture québécoise à travers le pays. Depuis des décennies, la société d’État occupe une place importante dans notre imaginaire collectif. Elle a nourri notre identité culturelle en portant à l’écran et à la radio des récits ancrés dans la réalité québécoise. Des émissions comme La Petite Vie, En direct de l’univers, Tout le monde en parle ou tous les Bye Bye ne sont pas que de simples divertissements : ce sont des espaces de conversation nationale et de réflexion collective où l’on découvre des artistes et des penseurs d’ici. Or, cette fonction culturelle – tout aussi vitale que l’information – est aujourd’hui menacée. Le financement de Radio-Canada stagne. On assiste à un recul généralisé de la couverture régionale, à une perte de diversité dans les contenus, et à une pression constante pour plaire aux logiques de rentabilité dictées par les plateformes.

Dans ce contexte, la volonté de Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur du Canada, de « définancer » la CBC – et par ricochet d’affaiblir sérieusement Radio-Canada – témoigne d’une incompréhension profonde du rôle fondamental que joue le diffuseur public, mais aussi d’un cynisme inquiétant à l’égard de la culture, de l’information et de la démocratie. En voulant fermer ou affaiblir CBC/Radio-Canada, Pierre Poilievre attaque de front un bastion de l’information indépendante, de la culture francophone et de la diversité régionale. Cette proposition n’a rien de neutre : elle s’inscrit dans une offensive idéologique contre les institutions publiques, sous prétexte qu’elles coûteraient trop cher ou qu’elles pencheraient à gauche. Or, il ne s’agit pas ici d’un caprice partisan, mais bien d’un choix de société. Supprimer Radio-Canada, c’est affaiblir la démocratie canadienne, c’est laisser encore plus de place aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), aux fausses nouvelles, aux bulles numériques.

Radio-Canada est une infrastructure culturelle essentielle, soutenant la musique d’ici et mettant en lumière les artistes émergents. Elle permet à des voix minoritaires d’être entendues, à des réalités oubliées d’être racontées. Sans elle, c’est une partie essentielle de notre culture et de notre identité collective qui risquerait de se retrouver marginalisée, laissant un vide difficilement comblable par d’autres acteurs du paysage médiatique.

La situation des médias en région est particulièrement alarmante. En Gaspésie, en Abitibi, sur la Côte-Nord, il ne reste parfois qu’une poignée de journalistes pour couvrir des territoires immenses. Radio-Canada demeure, dans bien des cas, le seul rempart contre les « déserts médiatiques », ces zones où l’accès à une information locale et crédible devient pratiquement impossible. Il est donc crucial de stabiliser et d’augmenter le financement de Radio-Canada, afin de lui permettre d’accomplir pleinement sa mission de service public, loin des pressions économiques et politiques. La vitalité culturelle du Québec, ainsi que la santé de sa démocratie, dépendent d’un écosystème médiatique fort, diversifié et profondément enraciné dans nos réalités.

Dans cet écosystème, tant que le Québec n’est pas un pays, Radio-Canada reste une pièce maîtresse. Il nous incombe de la préserver et de garantir son rôle central dans notre avenir collectif. 

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