Le printemps 2014 voit enfin le jour à la suite d’un prélude électoral plutôt déprimant pour ceux et celles qui y ont vu un espoir pour l’avancée de l’idéologie progressiste au Québec. Certes, il y a ceux et celles qui vous diront qu’il y a des victoires, que des candidats ont réussi à gagner des sièges importants. Ensuite, il y a ceux et celles qui vous diront que le vote se doit d’être une action stratégique coordonnée par une mobilisation massive reposant sur les épaules des candidats et de leurs militants.
Je n’ai pas l’intention d’approcher d’un moindre pouce l’analyse de ces dernières élections puisque je suis, tenez-vous-le bien pour dit, un abstentionniste. Je ne veux pas faire partie de ce cirque, ni polluer mes neurones et mes précieuses heures de réflexion de tous ces concepts préfabriqués, destinés à influencer ma façon de réfléchir et à la canaliser dans une représentation unidimensionnelle de la pensée : la gauche et la droite.
Je ne peux prétendre parler pour qui que ce soit, je ne peux me proclamer anarchiste, socialiste ou réformiste, malgré que je puisse jongler entre ces symboles pour afficher mon indignation. Je peux cependant, annoncer avec certitude que nous ne sommes pas seuls : notre masse critique se fait valoir peu à peu et résiste fortement à la tentation de croire qu’il est impossible de régler nos problèmes grâce aux contacts réels entre individus.
Le 7 avril, au jour des élections, pendant que tous faisaient la file pour aller marquer cette case sacrée sur le parchemin divin du scrutin, notre cri du cœur s’est fait entendre timidement au centre des activités politiques de notre communauté, l’hôtel de ville. Nous étions une bonne cinquantaine, et notre rassemblement n’était pas si différent d’une belle journée d’été au soleil où l’on va prendre une marche pour lire un livre ou jouer de la musique. La différence marquante consistait en la présence accrue des forces de l’ordre et en l’impressionnante démonstration d’organisation de ces dernières, qui ne vient probablement pas sans un lourd budget puisé à même les poches des contribuables.
Il était un peu difficile d’échanger nos fragments gênés d’idées révolutionnaires en devenir alors que des hommes en uniformes paramilitaires, armés d’une panoplie de gadgets persuasifs et d’une armure de kevlar, observaient chaque petit détail de nos moindres gestes. Le plus troublant est le fait que nous étions un groupe bien convivial qui, à ma connaissance, ne contenait pas de grands activistes ou de militants renommés pour leurs actions violentes ou leurs plans malicieux. Juste un petit groupe de jeunes, enragés malgré leur bonne humeur, et déterminés à se faire entendre malgré leur manque de voix et d’expérience.
Comme prévu avec les forces de l’ordre, un très petit groupuscule a pris la rue, mais semblerait-il qu’un manque de communication aurait déclenché l’alerte générale de nos vaillants policiers, qui ont alors appelé des renforts pour coincer notre groupe de 12 personnes sillonnant le centre-ville dans l’espoir de trouver les soirées électorales de chaque parti et de faire valoir nos idées à leurs militants. Dans la noirceur, loin de toute foule, les policiers nous ont encerclés ; une voiture de police était là pour chacun de nous. Une démonstration de force impressionnante. Niant nos droits fondamentaux, ils nous ont fait la morale et criminalisées sous un règlement obscur assurant le droit sacré de l’automobiliste de circuler sans se faire déranger (article 5.1.69-1 du Code de la sécurité routière).
J’ai tenté de sortir mon appareil photo, mais on m’a dit que c’était illégal. J’ai tenté de faire comprendre que je connaissais bien mes droits et que nous n’avions enfreint aucun règlement, mais un policier est venu me dire qu’il allait « m’embarquer pour refus d’obtempérer », tout en imposant ses muscles et me parlant à un pouce du visage. Il n’y avait rien à faire, les policiers ont décidé de nous mentir, ils nous ont donné la permission d’exercer nos droits pour ensuite nous humilier dans un coin et nous retirer cette liberté fondamentale dans le silence. À peine sorti de l’incubateur de la révolution, ce petit groupe sympathique que je viens de rencontrer, le PAVÉ, se dirige déjà vers la cour municipale.
Quelle société pour les enragés ? Eh bien, il n’y en a pas, il faut tout simplement la créer.