Pensée Libre est une initiative qui a pour but de démocratiser la réflexion de philosophie politique dans une optique de gauche libertaire. Pourquoi ce projet? Parce que l’univers médiatique actuel est marqué par une indéniable concentration de la presse ainsi qu’une fusion inquiétante entre l’information, le divertissement et l’impératif lucratif. Dans ce contexte, Pensée Libre se veut une contribution pour la promotion des médias indépendants et communautaires en commençant par le journal communautaire local de Sherbrooke : Entrée Libre.
Toutefois, écrire en dehors des grands médias a un cout : la notoriété des textes. En effet, dans les conditions actuelles, écrire pour un média communautaire a le désavantage de faire en sorte que les textes circulent moins. Cependant, il ne s’agit pas d’une fatalité. Les médias comme Entrée Libre peuvent avoir un auditoire très élargi, notamment grâce à internet. Cela nécessite toutefois un changement dans les habitudes du lectorat. Il faut participer aux médias pour faciliter leur développement. Participer ce peut être de partager les articles sur les réseaux sociaux, d’en parler à son entourage, d’écrire des textes ou de participer aux campagnes de sociofinancement.
Ceci étant dit, une question que peut se poser le lecteur ou la lectrice est : pourquoi revendiquer un marqueur politique particulier? N’est-ce pas s’enfermer dans un prisme idéologique? La prémisse derrière cette revendication d’un point de vue idéologique est qu’il est impossible d’interpréter les faits politiques en dehors d’un tel prisme. Qu’elle soit cohérente et porte un nom ou qu’elle soit constituée d’éléments et de concepts hétéroclites, il n’en reste pas moins que l’idéologie est inévitable. L’idée qu’il existerait un point de vue neutre ou « apolitique » est un mirage ou plutôt une carapace servant à protéger une idéologie dominante. Chaque époque a eu son « réalisme » et son « gros bon sens ». Dans l’antiquité, il était normal qu’une personne soit esclave d’une autre, c’était le point de vue « neutre ». Au moyen-âge, il était inconcevable d’imaginer une société où le pouvoir divin serait complètement mis de côté. De nos jours, être réaliste c’est s’imaginer que la majorité de la population doit passer ses journées à travailler et que la croissance infinie est un objectif viable sur une planète aux ressources limitées. L’idéologie peut aussi être emballée dans le papier du naturalisme : le sexisme, le racisme et la transphobie sont des exemples d’idéologies partielles qui ont en commun de s’appuyer sur un discours scientiste ou naturaliste. L’erreur derrière ces postures est évidemment qu’elles négligent le fait que les constructions sociales peuvent être détruites ou modifiées par les individus et la société.
En somme, l’idéologie est partout, y compris dans les textes de Pensée Libre. La différence est que le projet en question fait preuve d’honnêteté en revendiquant son prisme. Un point de vue de gauche libertaire doit impérativement être féministe, antiraciste, anticolonialiste, antifasciste, pour la promotion de la diversité sexuelle, contre la violence arbitraire de l’État, pour l’extension de la démocratie, dans une perspective de décroissance et finalement en appui aux alternatives au capitalisme. Voici ce qui constituera la « ligne éditoriale » de Pensée Libre.
Enfin, il faut savoir que le titre « Pensée Libre » n’est pas choisi que pour le style. Il se veut une revendication claire d’un objectif, celui de la réflexion libre, critique et autocritique. Les thèses qui seront défendues dans Pensée Libre ne sont pas définitives. Il n’y a jamais eu qui que ce soit dans l’histoire de l’humanité qui ait pu un jour prétendre n’avoir fait d’erreur dans sa vie. Il faudra donc lire Pensée Libre en gardant un esprit critique. Il se peut qu’à l’occasion l’auteur revienne sur certains textes pour corriger des éléments, voire pour avouer s’être trompé. Si cette pratique peut sembler étrange, elle constitue néanmoins un élément crucial pour toute pensée critique, à savoir qu’il faut rester critique de soi-même.
En conclusion, pourquoi Pensée Libre? Parce qu’il faut promouvoir un autre type de médias, parce qu’il faut savoir refuser d’assimiler passivement l’idéologie dominante, parce qu’il faut combattre les injustices et parce qu’il y a actuellement une forte carence au niveau des réflexions critiques offertes au grand public.