En ce 15 mai 2017, le Collectif Sherbrooke Féministe déposera séance tenante la lettre suivante au Conseil municipal de la Ville de Sherbrooke. Cette démarche est appuyée par 160 citoyennes et citoyens, de même que par 21 organisations, dont plusieurs regroupements et associations. Plus d’informations : sherbrooke.feministe@gmail.com
En 2017, les inégalités de genre sont encore bien présentes. Que ce soit les recherches-terrain, les publications gouvernementales ou communautaires, le partage du vécu des personnes qui vivent ces inégalités au quotidien ou simplement les données statistiques, les faits sont que les femmes :
- occupent à majorité des emplois plus précaires et atypiques;
- gagnent un salaire moins élevé que leurs homologues masculins;
- vivent davantage de violence (physique, familiale, économique, sexuelle, etc.);
- dispensent la majorité des tâches domestiques et le travail du « care »;
- sont les moins représentées à tous les paliers de gouvernement;
- et continuent d’être confrontées à un sexisme ordinaire bien répandu.
Il va s’en dire que les femmes racisées et immigrantes, de même que celles vivant avec d’autres différences sociales ou marqueurs identitaires (en situation de handicap, autochtones, de la diversité sexuelle, travailleuses du sexe, etc.) ont des conditions de vie généralement encore plus précaires et vivent davantage de discriminations.
Au fil des années, et de manière concertée avec différents groupes populaires et communautaires, plusieurs villes du Québec ont développé une ou plusieurs stratégies concrètes afin d’améliorer la participation citoyenne des femmes, de même que leur représentativité, que ce soit Montréal, Lévis, Rimouski ou encore Trois-Pistoles. Inclure l’égalité des genres au sein de la Charte des valeurs de la Ville est un premier pas. Plusieurs autres changements sont possibles : instaurer une Politique d’égalité accompagnée d’un plan d’action, adopter une Politique de communications inclusives, implanter un comité consultatif de type « Femmes et Ville », tenir des séances de simulation de Conseil municipal pour les femmes ou encore appliquer l’analyse intersectionnelle et différenciée selon les sexes (ADS+) aux projets d’envergure ainsi qu’aux projets de développement urbain. La liste est longue ; les exemples nombreux, documentés… mais rien de tout cela n’existe au niveau des structures de la Ville de Sherbrooke.
Par cette lettre et nos actions, nous souhaitons amorcer une réelle réflexion collective sur l’inclusion des femmes ainsi que des personnes de la diversité sexuelle et de genre dans notre ville. Nous proposons de commencer par le langage utilisé au sein des communications, tant à l’interne, entre les personnes qui y travaillent, qu’à l’externe, dans les brochures, les publications sur les réseaux sociaux, le site internet, les invitations, les discours, les programmes d’activités, etc.
Le langage n’est pas neutre : c’est un véhicule de pouvoir reproduisant les inégalités sociales. Il a un rôle essentiel dans la construction de l’identité et reflète autant la culture que l’histoire d’une société. Ainsi, nous croyons que le langage tend à évoluer au même titre que les changements sociaux et politiques. Comme certains mots ont le pouvoir d’exclure et d’autres d’inclure, c’est dans une perspective d’égalité, d’inclusion et de justice sociale que nous, co-signataires de la présente déclaration, appuyons la démarche du Collectif Sherbrooke Féministe qui revendique l’ajout de mesures structurelles favorisant l’égalité entre les genres à Sherbrooke. En ce sens, nous demandons l’instauration d’une Politique de communication épicène et inclusive à la Ville de Sherbrooke d’ici la fin de l’année 2017.
Représenter de façon équitable l’ensemble des citoyennes et des citoyens passe aussi par le langage utilisé. Il est impératif de rectifier le tir quant à l’utilisation du masculin générique comme le seul genre utilisé au sein des communications. Le masculin est loin d’être un genre neutre, comme on le prétend, alors qu’il est le genre dominant de nos sociétés patriarcales. D’ailleurs, cette règle a été créée en 1647 alors que la croyance populaire voulait que les hommes soient supérieurs aux femmes. Comment peut-on maintenir une telle vision hiérarchique des relations humaines après toutes les actions et les luttes pour l’égalité de toutes et de tous? Même l’Office québécois de la langue française mentionne que la règle désuète et sexiste à l’effet que le masculin l’emporte sur le féminin « n’est plus de mise de nos jours puisque la féminisation linguistique est devenue une réalité culturelle ».
Loin d’être une demande farfelue, les communications épicènes et inclusives permettent d’affirmer de façon concrète une préoccupation pour l’égalité entre toutes et tous par l’utilisation de termes neutres. C’est aussi l’occasion de faire preuve de cohérence avec les principes égalitaires défendus par la classe politique et faire en sorte que le langage utilisé reflète la considération, l’engagement, le respect et la reconnaissance du travail trop souvent invisible des femmes. Les autres paliers de gouvernement appliquent ce principe, de même que plusieurs organismes publics, parapublics et communautaires.
Pour nommer deux exemples locaux, l’Université de Sherbrooke a adopté une Politique rédactionnelle non-sexiste en 2008 et le Carrefour de Solidarité Internationale féminise systématiquement ses publications en participation citoyenne. À la Ville, nous avons encore droit à un « guide du citoyen » de même qu’à un site internet, à des politiques, à des plans d’action – et bien plus! – strictement rédigés au masculin. Par contre, l’image de marque du projet Well inc., le « Quartier de l’entrepreneur », a récemment été changée pour « Entreprendre ensemble », dans une optique d’inclusion et de représentation égalitaire de toutes et de tous. Pourquoi ne pas appliquer cette logique à l’ensemble des communications de la Ville? Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour qu’il y ait des changements concrets à Sherbrooke?