Le peuple cubain peut se décrire par son humilité, son humour et sa fierté. Son amour pour la musique, la danse et la fête est intense comme le soleil de Santiago. Il partage ces traits à la fois avec la culture des pays hispanophones du continent, mais surtout avec celle des Caraïbes fortement teintée par l’esclavage et la présence africaine depuis presque les débuts de la colonisation.
Ce métissage culturel vient du fait que les colons espagnols ont remplacé la main-d’oeuvre autochtone par des esclaves du nord-ouest de l’Afrique, et ce, dès les années 1520, soit à peine une quinzaine d’années après que soient fondées les premières villes. La spiritualité cubaine en est une conséquence directe avec environ trois millions de personnes pratiquant les rites de la santeria où se confondent les divinités orishas, semblables aux égyptiennes ou aux grecques, et le christianisme.
Contrairement aux esclaves des États-Unis, ceux et celles de Cuba ont pu conserver leurs instruments de musique, notamment les percussions, qui donneront au fil du temps divers genres musicaux cubains comme la rumba et le son avec l’apport de la guitare espagnole et d’instruments indigènes. Soulignons aussi l’influence mutuelle avec les États-Unis à travers la salsa, le jazz et le sport numéro un sur l’île: le baseball. Les échecs et les dominos sont pratiqués partout et la musique et le ballet classique sont renommés depuis l’influence européenne à travers le bloc de l’Est. Les téléromans, surtout brésiliens, sont suivis attentivement chaque soir par les familles cubaines avec les émissions de prestations musicales ou de sketches humoristiques sans oublier le cinéma.
Les touristes du Canada qui forment le tiers des 4 millions de touristes annuels à Cuba sont amenés par les forfaits tout inclus très abordables à découvrir les plages magnifiques de Varadero ou des Cayos. L’ouverture aux capitaux étrangers pour construire des complexes hôteliers à cause du besoin de devises suite à la désintégration de l’Union soviétique en 1991 a fait exploser le tourisme de masse. La mise en place de deux monnaies, le peso convertible équivalent au dollar US et le peso national valant 1/24 de l’autre engendre des disparités et la spéculation entre ceux et celles ayant accès à l’argent des touristes et les autres. Le tourisme a permis de préserver les programmes sociaux, car l’État décide des projets et il détient souvent la majorité des parts avec le privé. Des réserves protégées sont aussi mises en place et la superficie boisée augmente contrairement à la tendance continentale.
La moitié des familles cubaines ont accès aux remesas, aux remises d’argent de leurs familles à l’étranger notamment des États-Unis et les montants autorisés sont beaucoup plus élevés depuis le rapprochement du gouvernement Obama. Cela soulage le budget mensuel de plusieurs, mais il crée un clivage avec ceux qui n’en reçoivent pas. Soulignons que le salaire mensuel moyen tourne autour de 25 dollars US par mois. Le salaire minimum et la retraite de base c’est la moitié. Médecin ou ingénieur le double. N’oublions pas que le coût du logement et de l’électricité est très bas, l’éducation et la santé sont gratuites, mais c’est au niveau de la nourriture, des vêtements et du transport que le budget est extrêmement serré. Les médecins et le personnel en santé ou en éducation envoyés dans des missions plusieurs mois ou plusieurs années en Haïti, au Venezuela, au Brésil ou en Angola gagnent «beaucoup» plus et suffisamment pour acheter une automobile sous-compacte et pour bien vivre, mais c’est incomparable aux médecins spécialistes et au Dr. Couillard qui a œuvré auprès de la monarchie saoudienne…
Beaucoup de petits propriétaires d’entreprises s’enrichissent en tenant des auberges pour les touristes, en étant chauffeurs de taxi, barbiers, mécaniciens, restaurateurs ou bien agriculteurs dans le tabac surtout. Entendons-nous, les inégalités dans la société cubaine augmentent depuis les années 1990, mais elles sont encore loin de notre réalité québécoise et à des années lumières du Brésil ou de la Colombie. Le niveau de criminalité considérant la dureté des conditions de vie est très bas. Cela n’est pas dû en premier lieu aux lois sévères et à la présence policière, mais bien au fruit du ménage révolutionnaire des réseaux mafieux et de la mise sur pied de la sécurité sociale et de ressources pour réintégrer les jeunes délinquants en plus de l’entraide communautaire encore très forte bien qu’ébranlée par les changements de valeurs en cours. Le chômage qui a augmenté avec les réformes est encore très bas à 4%.
Les aspirations actuelles des différentes composantes du peuple cubain et des plus jeunes qui seront les piliers de la société de demain pourraient sembler aller vers le capitalisme. C’est oublier le sentiment national cubain, la présence des générations plus âgées et une hostilité qu’un certain Donald Trump mettra en place. Par contre, le combat quotidien pour vivre sous embargo et le manque de droits démocratiques usent le peuple cubain qui questionne davantage sa société. Et nous au Québec, que ferons-nous pour donner un élan de solidarité dans ces Amériques où règne l’inégalité croissante et le pouvoir du 1%?