Le plus absurde dans le récent conflit au Journal de Montréal, ce n’est pas l’inaction de notre gouvernement face aux tactiques de PKP qui violaient, sinon la lettre, du moins l’esprit des dispositions anti-briseurs de grève du Code du travail.
(Il faut dire que l’obsolescence de la loi n’est pas vraiment un sujet débattu. Même Michel Kelly-Gagnon, président-farceur de l’Institut économique de la grosse-joke, écrivait que la manière qu’avait Québécor de continuer d’engranger les profits même en lock-out n’était pas un incitatif au compromis. Le fait est qu’un employeur ne peut, en cas de conflit, qu’utiliser des cadres pour remplacer les employés. Cette disposition concerne exclusivement le « lieu de travail ». Donc, une société multinationale peut très bien décider de transférer sa production ailleurs. Pour Québécor, cet ailleurs, c’était son agence QMI, mise sur pied – surprise! – quelque temps avant le lock-out.)
Non, le plus absurde, c’est d’entendre PKP, ce titan des médias, se plaindre du pouvoir des syndicats. En effet, depuis deux ans, PKP n’a de cesse de dénoncer la « mauvaise foi » du syndicat. Au début janvier, il était tout triste quand il déplorait, dans Le Devoir, le « déséquilibre notoire du Code du travail en faveur des organisations syndicales ». Il fallait voir, au début de l’année, sa bouille attendrissante sur la photo accompagnant l’article de la chroniqueuse Josée Blanchette. Il lui aurait dit qu’il voulait « changer le Québec », qu’il souhaitait « aider » son pays.
Au début de février, PKP se présentait en commission parlementaire chargée d’étudier une réforme du Code du travail. Il se disait alors inquiet pour l’avenir du Québec. Il croyait que des entreprises allaient peut-être être « effrayées » de s’installer au Québec pour venir créer de cette proverbiale richesse dont on a tant besoin. Citons-le : « Je ne veux pas être pessimiste, mais je suis inquiet, je suis très inquiet…»
Dans une lettre à Gil Courtemanche, lui aussi du Devoir, PKP était choqué noir. Il s’indignait du fait que ses employés en lock-out gagnent, même en conflit, quelque 44 000$ par année. Il a ajouté des majuscules dans son texte pour spécifier que c’était là une rémunération NETTE. Cela est évidemment, de son point de vue, un petit scandale qui mérite d’être mis au jour. Il ajoute – parce qu’il sait compter – que c’est là plus que la moyenne de rémunération « BRUTE » des travailleurs canadiens.
Bizarre comme PKP sonne comme un certain mouvement de droite qui se dit persécuté par une gauche radio-canadienne plateauiste omniprésente. Comme si le Québec était un goulag pour tous ces bons citoyens corporatifs.
Néanmoins, le conflit de travail au Journal de Montréal est terminé et seuls 63 des employés en lock-out (sur 253) retourneront travailler pour PKP. Celui-ci vient de mettre à genoux la deuxième plus grande centrale syndicale au Québec et – ah oui! – il a empoché une rémunération totale 8 492 999$ en 2009. Ça doit rendre la persécution un peu plus tolérable…non?