S’il est une ressource qui est limitée, c’est bien le temps. Pourtant, on le gaspille souvent. Sans toujours le vouloir.
Votre temps n’a pour valeur que ce que les autres lui attribuent. Hormis le bénévolat, là, il est précieux. Seulement si c’est pour une « bonne cause ». Votre patron qui exige du temps supplémentaire non rémunéré, ce n’est pas du bénévolat, c’est de l’exploitation. Ça en dit long sur ce qu’il pense de la valeur de votre temps. Et de votre valeur à vous.
Plusieurs organisations (publiques ou privées) considèrent que le temps de leurs client·es ne vaut rien. C’est pourquoi à l’épicerie, on vous fait marcher aux quatre coins du plancher pour un sac de patates, un pain, deux kilos de sucre, un litre de lait et des œufs. Comme si les aliments de base étaient incompatibles et devaient être tenus à distance maximale les uns des autres. Et, vu que votre temps ne vaut rien, autant vous faire accomplir la tâche de la caissière. Sans compensation, bien sûr. Puisque votre temps ne vaut rien.
De même pour l’autobus à Sherbrooke. On peut s’attendre à marcher jusqu’à 10 minutes au départ et à l’arrivée. Et vous pouvez avoir droit à un « sightseeing tour » selon l’itinéraire choisi. Il faut compter de trois à quatre fois le temps et la distance en voiture. Ou à vélo.
Plus c’est important, plus on attend
L’endroit où votre temps devrait être le plus précieux c’est bien dans les soins de santé. Non. D’où le terme de « patient ». Patient pour obtenir un médecin de famille. Des années. Sans lui, c’est presque automatiquement la salle d’urgence. Où une « urgence » se compte en heures. À moins d’être en danger de mort immédiate. Une chirurgie, en mois… ou en jours au privé moyennant supplément. Ke-tching ! C’est entendu.
Vous cherchez une place en garderie ? Il fallait la réserver avant de concevoir l’enfant, semble-t-il. C’est ce que j’entends. Prévoir en même temps les services d’orthophonie auprès de votre CLSC, au cas. Si vous voulez des services avant sa graduation. Parce qu’agir tôt ne suffit pas (« Agir tôt » c’est le nom du programme créé en 2021). Là aussi, il y a le privé.
Quand le logement est devenu un luxe
Le Tribunal du logement fait figure d’exception : vous êtes en retard de trois semaines sur le paiement de votre loyer, votre propriétaire peut obtenir en quelques mois un avis d’expulsion qui vous ordonne de quitter les lieux en seulement onze jours. ONZE JOURS. C’est vite. Pour emballer vos affaires, trouver un logement, l’argent pour le premier mois de loyer et les déménageurs. En pleine pandémie en 2020, alors que l’Assemblée nationale du Québec ne siégeait pas, un retard d’un mois de loyer est subitement devenu plus important pour votre locateur que votre droit au logement. Question d’équilibre. Et c’est sans appel. Évidemment.
Quand on sait que l’Office municipal d’habitation de Sherbrooke avait 1500 ménages sur sa liste d’attente au 1er juillet 2024 et qu’elle possédait ±1790 logements dans 93 bâtiments à la fin de 2023, on comprend que l’attente soit de plusieurs années. Plusieurs. Pour se loger. Minimalement. Ils font ce qu’ils peuvent.
Et on ferme des résidences privées pour ainés (RPA) : « environ 660 RPA ont fermé depuis les six dernières années » au Québec, apprenait-on en février. On les met où ces milliers d’ainés qui ont besoin de services ? Au privé, privés de services ?
On ne paie rien pour attendre
On paie pour NE PAS attendre. Quand on peut. Quand on en a les moyens.
Pour les enfants, les familles ou les ainés; en soins de santé, en matière d’éducation ou de logement, le privé est-il LA solution ?
Privatiser rime avec priver. Privatiser C’EST priver.