J’ai une relation trouble avec les médias sociaux
J’ai rejoint Facebook pour la première fois à la fin de 2007. Je venais d’avoir 18 ans. Facebook s’était avéré pratique pour reprendre contact avec des amis que j’avais perdus de vue, autant ceux partis dans une autre ville 10 ans plus tôt que ceux de la polyvalente, avec qui j’avais moins de contact. Je me souviens aussi de mes années sur le campus de l’Université d’Ottawa. Je me souviens des heures dans la bibliothèque principale, durant une courte pause entre deux travaux, à lire ce qu’il me semblait être une sorte de babillard 2.0, ce qu’on appelle aussi les pages « Spotted » aujourd’hui. La page Spotted de l’Université d’Ottawa est apparue tôt en 2011 et je me souviens d’un soir, alors que j’y lisais ce qui se trouvait en temps réel. Et à la lecture, je comprenais qu’il y avait beaucoup de monde (et de bruit) au 5e étage, étage où on avait le droit d’être plus bruyant pour les travaux de groupe, par exemple.
Ça du moins, ce sont les beaux souvenirs nostalgiques que j’ai trempé volontairement dans le vernis…
En 2012, alors que j’étais sur mon départ du campus et à défaut d’avoir trouvé ce que je cherchais dans la sociologie, je me souviens avoir (violemment!) jalousé les étudiants québécois. Ceux-là qui participaient à ce mouvement de grève sociale qui me dépassait et qui se produisait autant dans ma cour qu’à Montréal et ici même à Sherbrooke. Le mouvement, à son plus fort, a impliqué 200 000 personnes dans une manifestation monstre dans les rues de Montréal. Et l’action dans la rue, je la vivais par procuration sur les médias sociaux : Twitter et Facebook. J’avais la jeune vingtaine et j’ai tenté, oui! je dis bien tenté, de forger mes idées politiques et sociales avec ce que j’y trouvais… Et c’était une très mauvaise idée! Parce que dans la décennie qui a suivi, j’ai négocié avec le sentiment irrépressible d’être un imposteur, un peu partout où j’allais. Mes idéaux, mon intérêt pour la politique et la ferveur que je prétendais avoir envers ceux-ci étaient toujours empruntés à quelqu’un d’autre. Je viens d’une famille où la politique n’était absolument pas le sujet autour de la table et quand j’ai tenté d’être quelqu’un d’unique, à part entière, j’avais l’impression d’avoir échoué. Je pourrais ensuite vous parler de chacune des élections générales depuis, les conversations toujours plus agressives sur les enjeux de la campagne comme celle de 2015, où des gens sont allés voter avec un sac de patates vide sur la tête. Facebook, c’est aussi un vilain piège. On y passe une minute ou une journée complète : l’expérience m’a appris qu’il n’y a pas de milieu! Les jeux qu’on y ajoutait, le doomscrolling, les vidéos courts que l’on peut visionner à l’infini à la recherche de quoi? Rien du tout! Sinon une autre façon de perdre ton temps, une autre façon d’éviter de faire la vaisselle, le ménage ou autrement, ce que l’on devrait être en train de faire.
Et puis la pandémie… La maudite pandémie!
J’y ai perdu des amis pour des questions d’opinion, pour ou contre le vaccin ou la vaccination en générale. Et c’est sans parler de la division dans la population qui a suivi. Après avoir combattu collectivement le virus de la COVID-19, il fallait combattre celui de la désinformation. La désinformation qui ne venait parfois non pas de nos concitoyens, mais parfois de Russie et d’ailleurs…
Il y a sans doute un point à faire quant aux dangers des médias sociaux. Ce point – cet avertissement – il a été fait dans le passé, lorsqu’on a tenté de nous avertir des dangers de la robotique et de l’intelligence artificielle, par exemple. Les films qu’on a vus il y a 20 ans et qui nous brossaient un portrait obscur de l’avenir technologique – c’est maintenant que ça se passe!