Lors de l’élection provinciale Québécoise de 1998, le Parti québécois et le Parti libéral du Québec obtiennent un nombre de vote similaire, respectivement 42,87% et 43,55%; l’action démocratique du Québec ferme la marche avec 11,81% des suffrages.
À la vue de ces chiffres on se dit spontanément que le PLQ va former un gouvernement minoritaire et qu’en négociant avec l’ADQ, plus proche du PLQ idéologiquement parlant, c’est le couple J. Charest – M. Dumont qui va gouverner le Québec. En fait, non. La distorsion du mode de scrutin «majoritaire uninominal à un tour» a transformé les 42,87% du PQ en un gouvernement majoritaire possédant 60,8% des sièges (76 pour le PQ contre 48 pour le PLQ et 1 pour l’ADQ). L’élection provinciale de 1998 n’est pas un artéfact de ce mode de scrutin: lors de la dernière élection provinciale de 2014 le PLQ a obtenu 41,5% des votes mais 56% des sièges (70 elu.es) tandis que Québec solidaire recueillait 7.6% des suffrages mais seulement 2,4% des sièges (3 élu.es).
Le mode de scrutin majoritaire rend extrêmement difficile l’émergence de nouvelles forces politiques, et de ce fait bâillonne totalement une partie des électeurs. C’est ce mode de scrutin qui explique majoritairement le bipartisme dans lequel nous vivons depuis 40 ans. De là, il est facile de comprendre la montée du cynisme en politique, et une faible participation aux élections, en particulier dans la partie la plus jeune de la population qui est ouverte aux nouvelles propositions politiques.
Il y a cependant un espoir que l’élection de 2018 soit la dernière au Québec avec ce mode de scrutin. En effet, au mois de mai dernier les leaders de la CAQ, du PQ, de QS et du Parti Vert ont pris l’engagement qu’advenant leur élection ils mettraient en place un mode de scrutin mixte compensatoire. Le principe de ce mode de scrutin est d’attribuer 60% des sièges selon le mode de scrutin actuel et 40% des sièges selon un mode proportionnel. Le jour du vote nous aurions ainsi deux choix à faire: une personne candidate dans notre circonscription (scrutin majoritaire) et en même temps un parti politique (scrutin proportionnel). Dans ce mode de scrutin les circonscriptions actuelles seraient redessinées et agrandies (car ne représentent «plus que» 60% du parlement) et des grandes circonscriptions régionales seraient créées pour représenter les député.es élu.es suivant le choix des partis, en fonction du pourcentage de leurs votes dans chacune de ces nouvelles circonscriptions régionales. Même si ce mode de scrutin est encore éloigné du scrutin proportionnel intégral, il a l’avantage d’introduire plus de pluralité et d’être soutenu par plusieurs partis politiques, ce qui est de bon augure pour sa mise en place. A nous cependant d’être vigilant car la réforme du mode de scrutin a souvent été une promesse non tenue, comme par exemple M. Justin Trudeau lors de la dernière élection fédérale, et par le Parti québécois en son temps. Si un autre parti que le PLQ forme un gouvernement à la suite de l’élection de 2018, il nous faudra lui rappeler son engagement. Dans la sclérose et l’uniformité des propositions politiques actuelles, l’introduction d’un mode de scrutin proportionnel est essentielle pour le brassage des idées et la représentativité de l’électorat.