Percutante et mélodique, la rappeuse militante Keny Arkana fera son premier passage aux FrancoFolies, le 14 juin au Club Soda. Est-ce l’origine marseillaise ou un parcours de foyer d’accueil et de violence au quotidien qui donne le ton? Qu’importe, elle mène le micro avec ferveur et dénonce avec vigueur.
Suite à l’écoute de son nouvel album Tout tourne autour du soleil, il est difficile d’être insensible à la musique humaine de Keny Arkana. Venant des tripes au service du message, soit que vous parlez plus fort pour faire bouger ou vous pensez plus grand pour apprécier. Entrée Libre a discuté avec l’auteure-compositeure-interprète à l’occasion de la sortie de son nouvel album.
Comment décrivez-vous le syndrome de l’exclu?
KA : Dès que l’on sort du quartier, il y a les préjugés. Quand on va au bar, on se fait pointer, quand on va dans les magasins, ce sont les vigiles. Dénoncer le processus fait que tout le monde a le syndrome de l’exclu. Aussi, par le fait qu’en tant que jeune qui a tendance à s’auto exclure parce que la société, elle est dure, alors on s’auto exclut ou on s’invente une nouvelle identité pour se faire accepter de la société.
Pourquoi l’orgueil fait que l’on s’appauvrit?
KA : C’est un choix de tous les jours. Soit on nourrit nos cœurs, soit on nourrit notre orgueil. L’orgueil fait perdre notre sensibilité. L’orgueil fait que l’on se donne une image qui n’est pas nous-mêmes.
Les limites d’un esprit libre sont…
KA : Difficiles à quantifier! C’est toujours les pessimistes et les cyniques qui ont le monopole de la parole. Quand t’essaies de penser par toi-même, tu te fais prendre de haut, on te méprise. Le mépris, c’est l’esprit colonialiste, paternaliste, moqueur pour ridiculiser les gens ou l’indifférence complète. Par exemple, tu es en train de crever dans la rue et tout le monde s’en fout!
Les gens oublient que l’on est tous les mêmes. On a tous à apprendre les uns des autres, peu importe la place que l’on occupe dans la société. Garder son cœur ouvert, sinon l’on meurt de l’intérieur…
Qu’est-ce qui fait que l’on jette l’éponge et qu’on la reprend?
KA : Ça dépend des gens… Baisser les bras… Oui, j’en ai marre, j’ai beaucoup de frustrations face à l’industrie du disque; de mettre mon cœur, mon âme et de voir des gens bâcler. Les gens vendent des CD comme ils vendent du yaourt. Certains sont de gros vampires qui pompent le jus des artistes et les laissent quand ils sont vidés. Soit tu retournes ta veste, soit tu te fais broyer.
Mais pas beaucoup ont la parole, je ne peux pas raccrocher, il y a encore plein de trucs à dire, de force à insuffler! Il serait lâche et égoïste de laisser tomber. J’ai la chance de pouvoir m’exprimer et c’est un luxe aujourd’hui.
Pourquoi on parle plus de millions $ que d’humanité?
KA : Bienvenue dans le 20e siècle! La moitié de la planète peut bien crever, tout le monde s’en fout tant que l’économie tourne! La peine de prison la plus longue faite est pour les faux billets, non parce que tu tues un enfant. C’est vachement révélateur.
On a largement les moyens que tout le monde vive bien, mais il y a une mauvaise redistribution. Dirigés par des fous qui accumulent les milliards malgré la misère humaine, l’extinction des espèces. On vit dans une époque d’urgence, il faudrait se poser les bonnes questions et pour le moment, on les esquive les bonnes questions.
C’est vrai que l’intuition fait disparaître le doute?
KA : Le doute vient de l’extérieur, du regard de l’autre. L’intuition est intérieure à nous-mêmes quand on écoute vraiment son cœur, il n’y a pas de doute.
On fait tellement pire par le regard des gens et le regard de la société. À part toi-même, rien ne peut t’arrêter.
Quel souhait pour Keny?
KA : Pas pour moi, mais pour tout le monde. Que l’on se pose les bonnes questions pour que l’on se positionne parce que c’est nous les gardiens de la Terre!
Au final, de quoi vous êtes le plus fière?
KA : De ne jamais avoir baissé mon froc!
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Keny Arkana à nos côtés, on a juste envie de « casser le schéma ». Prêtez l’oreille à l’album Tout tourne autour du soleil où claviers, guitares gospel et cordes donnent du relief aux propos. C’est une source illimitée où piocher. Après les fléaux dénoncés, on se sent mieux. Par contre, avec un regard cru sur la société, on a la nausée. Et, elle nous rappelle que « la force est infinie comme l’âme humaine ». Faites ce que doit, l’album ou le spectacle, maintenant que vous savez où chercher!