Ce texte a originalement été publié dans le journal La Tribune le 6 septembre 2024
Suite aux débats animés sur les logements sociaux à l’hôtel de ville de Sherbrooke, notamment les interrogations de la conseillère Hélène Dauphinais sur le financement des coopératives d’habitation, une clarification s’impose.
Mme Dauphinais remet en question le fait que ces logements collectifs ne servent pas uniquement les personnes à faibles revenus, affirmant que des membres de la classe moyenne y résident également. Bien qu’il soit légitime de poser ces questions, il est aussi crucial de ne pas simplifier à outrance ni de nourrir des préjugés sur ces modèles d’habitation.
Coopératives d’habitation : un modèle pour la diversité socio-économique
J’ai résidé près d’une dizaine d’années dans une coopérative d’habitation. Les critères d’admission peuvent varier selon les gestionnaires des coopératives, mais on y retrouve de nombreuses personnes en situation de précarité, sans emploi ou bénéficiant de l’aide sociale. La coopérative m’a grandement aidé. J’avais une situation de faibles revenus, d’autant plus que je démarrais mon entreprise. Puis, après quelques années, j’ai fait le choix d’acheter une maison avec ma conjointe. Les familles monoparentales sont particulièrement favorisées, ce qui souligne une orientation sociale très claire des coopératives. De plus, certaines coopératives, telles que celles affiliées à la Coopérative d’habitation des Cantons de l’Est , incluent des blocs spécifiques offrant des subventions temporaires pour les ménages à faibles revenus. Cette aide est conçue pour soutenir les personnes en situation de précarité, leur permettant ainsi de se stabiliser avant de retrouver une autonomie financière.
Les propos de Mme Dauphinais : un préjugé persistant
Ce n’est pas la première fois que Mme Dauphinais aborde le sujet des personnes de classe moyenne vivant en coopérative. Pourtant, ces propos omettent un point essentiel : les coopératives sont ouvertes à un éventail de revenus pour favoriser une mixité sociale bénéfique à la communauté. Cette mixité n’est pas un détournement de la mission des coopératives, mais plutôt un moyen d’assurer un équilibre et une stabilité. Réduire ce modèle à une simple question de revenus entretient un préjugé qui occulte l’impact positif des coopératives sur la cohésion sociale et la lutte contre la spéculation immobilière.
Subventions et financement : les différents types de logements sociaux
Il est essentiel de distinguer entre les HLM (logements à loyer modique) et les coopératives d’habitation. Les HLM, en majorité, reçoivent leur financement du gouvernement provincial et fédéral, et sont conçus pour répondre aux besoins des ménages les plus précaires. À Sherbrooke, des projets comme ceux des Habitations L’Équerre bénéficient de programmes tels que le Programme d’habitation abordable du Québec (PHAQ), qui cherche à soutenir la création de logements sociaux avec une contribution partagée entre les différents paliers de gouvernement.
En revanche, les coopératives d’habitation, tout en bénéficiant parfois de subventions pour certaines unités, reposent sur une gestion collective par les membres, ce qui leur permet de maintenir des loyers plus abordables à long terme. Ce modèle de gestion par les membres est un atout que l’on ne retrouve pas dans les HLM et qui garantit un contrôle direct des résidents sur leur milieu de vie.
Classe moyenne et logements coopératifs : redéfinir les priorités
Mme Dauphinais soulève la question de la présence de membres de la classe moyenne dans les coopératives. Cependant, il est essentiel de clarifier à quelle classe moyenne elle fait référence. En effet, la classe moyenne basse et les ménages à revenus modestes peuvent grandement bénéficier des coopératives.
Le débat sur les logements sociaux ne doit pas se limiter à une discussion sur les classes sociales. L’enjeu central réside dans la comparaison entre le marché spéculatif et le marché non spéculatif que représentent les coopératives d’habitation. Avec 20 % de logements collectifs dans un marché immobilier, on peut observer une stabilisation des prix des loyers et une réduction de la spéculation. Il est donc crucial de renforcer ces initiatives pour améliorer l’accès au logement tout en maintenant un équilibre entre les revenus des résidents.