Vous avez certainement lu comme moi, dans La Tribune du 15 novembre dernier, l’article Les conseillers indépendants plutôt favorables concernant votre appui plus ou moins partagé au projet de réduction du nombre d’élus proposé par le maire Bernard Sévigny. Il était frappant, n’est-ce pas, de constater jusqu’à quel point les journalistes n’ont même pas jugé pertinent de recueillir les commentaires des autres élus, ceux et celles du Renouveau. Fascinant, non ?
Les conseillers-de-Bernard n’ont plus besoin d’être consultés parce qu’en perdant leur voix propre, ils perdent aussi leur pouvoir. Vous avez toujours le vôtre heureusement, mais que prévoyez-vous en faire ? Malheureusement, l’article en question me laisse penser que vous allez renoncer à ce pouvoir et que vous allez donner un appui suffisant à la proposition de mettre au chômage, sans bonne raison, des représentants de la population.
Pourtant, vous le savez, la proposition Sévigny-Paquin est complètement radicale et ne sert à rien. Vous savez très bien que les économies envisagées sont soit partiellement fictives, soit complètement insignifiantes. Vous avez été à même, je crois, de le constater en étudiant le budget. Vous êtes aussi au courant des déclarations du maire qui, pendant la campagne, a déclaré qu’il prévoyait « faire de l’asphalte » avec les économies réalisées grâce à la coupure de vos postes. Vous étiez aussi au conseil quand j’ai demandé au maire ce qu’il comptait faire lui-même pour contribuer à son obsession d’économiser des peanuts. Vous avez déjà assez d’expérience politique pour savoir que le maire aurait pu me répondre que « tout était sur la table », ou qu’il « travaillait d’arrache-pied à gratter les fonds de tiroir » et que, oui, il allait aussi voir comment, au cabinet du maire, tous pourraient mettre « l’épaule à la roue ». Mais non, le maire a pris son air narquois et a répondu « pas de commentaire ». Le problème, c’est que le lendemain, dans La Tribune, on apprenait que… hum… les « collaborateurs du maire » avaient obtenu des augmentations substantielles. Non seulement le maire ne va pas faire le moindre effort pour diminuer ses dépenses, mais il va même les augmenter ! Pas très habile politiquement, hein ?
Parlant politique, d’ailleurs… Vous savez que le problème numéro un du budget municipal est le déficit actuariel de la caisse de retraite des employés. Chaque mois, vous y mettez à peu près 600 000 $. C’est votre obligation et vous savez que seul le gouvernement provincial peut vous donner les pouvoirs de partager ce déficit avec les employés, ceux-là mêmes qui profiteront de ces retraites. Mais vous vous êtes pour l’instant obligé·es d’imposer ce fardeau aux seuls contribuables. Scandaleux, non ?
Mais que fait notre « premier magistrat » pour régler le problème ? Pas grand-chose, vous en conviendrez. L’avez-vous vu au Téléjournal en train de faire pression sur Agnès Maltais, responsable du dossier ? L’avez-vous aperçu, en conférence de presse avec d’autres maires, pour interpeler Pauline Marois ? Est-ce que vous avez vu Bernard Sévigny tenter d’expliquer le problème aux Sherbrookois·es pour mettre un peu de pression sur les syndicats ? Est-ce qu’en campagne électorale, M. Sévigny a évoqué ce problème pressant ?
Non, parce que Bernard Sévigny préfère faire de la petite politique sur votre dos. Le maire a en effet le beau jeu pour vous imposer la défense ingrate de votre propre emploi, vous mettant dans la position inconfortable de devoir insister sur la pertinence même de votre existence.
Certes, les Sherbrookois sont, semble-t-il, favorables à cette mesure. Mais franchement, vous attendiez-vous vraiment à autre chose ? Après la Commission Charbonneau, après la baisse constante de la participation, il était clair que les citoyens allaient acquiescer sans réfléchir à ce genre de proposition. Par ailleurs, ne croyez-vous pas que si l’on faisait un sondage aujourd’hui sur une hausse de taxes, au moins une aussi grande majorité de gens serait contre ? Croyez-vous vraiment que le maire se sentirait tenu par une telle « volonté de la population » ? Soyons sérieux !
Au final, c’est votre choix. Si vous voulez faire de Sherbrooke un autre Labeaume-City où le populisme l’emporte sur la raison. Si vous voulez gouverner à l’aide de sondages et prouver du même coup, par l’absurde, que le maire a peut-être finalement raison de disposer de conseillers inutiles. C’est à vous de voir, mais sachez néanmoins que des citoyens de Sherbrooke, beaucoup de citoyens, seront prêts à vous appuyer si vous décidiez de garder la tête haute et de résister à cette réforme cynique.