Monsieur le premier ministre,
Les 11 tables régionales d’éducation populaire du Québec lancent un véritable cri d’alarme. Les groupes de défense collective des droits n’ont reçu aucune indexation ni majoration de leur financement depuis bientôt une décennie. Dix ans d’austérité, dix ans de diminution des services, dix ans d’abolitions de postes, de déménagements forcés, dix ans pendant lesquels le coût de la vie a augmenté de 17%.
Monsieur Couillard, votre gouvernement manque à ses engagements envers les groupes d’action communautaire autonome et en premier lieu envers les groupes de défense collective des droits à qui vous refusez le strict minimum, soit l’indexation annuelle des subventions.
En 2001, l’Assemblée nationale adoptait unanimement la politique gouvernementale L’action communautaire une contribution essentielle à l’exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec. La relecture de cette politique, dont un des objectifs centraux est de «valoriser, soutenir et consolider l’action communautaire autonome, notamment les organismes de défense collective des droits», est à la fois éclairante et révoltante.
On y apprend que «le gouvernement reconnaît l’apport particulier et essentiel des organismes à la vitalité du débat démocratique entourant les problématiques liées à l’exercice des droits fondamentaux et plus spécialement des droits sociaux». C’est précisément ce que les groupes de défense collective des droits font et c’est effectivement ce qui en fait un maillon essentiel de notre démocratie notamment en donnant la parole aux personnes qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour le faire. Or, c’est précisément à cet «apport particulier et essentiel […] à la vitalité du débat démocratique» que le gouvernement actuel s’attaque en refusant de pallier le sous-financement des groupes en défense collective des droits. Poursuivre dans son refus d’accorder le strict minimum à la défense collective des droits est un désaveu clair et frontal de nos missions.
Le ministre responsable de notre financement n’a-t-il jamais lu la politique gouvernementale de reconnaissance et de soutien de l’action communautaire? Informé à maintes reprises de la précarité de notre situation, le ministre Blais nous répète ad nauseam de diversifier nos sources de financement. S’il avait lu la politique, il saurait pertinemment que «le gouvernement reconnaît la situation financière des organismes dont la mission unique ou principale est la défense collective des droits est souvent caractérisée par la précarité» et que cela découle notamment «de la difficulté de trouver du financement provenant du milieu». Plutôt que de faire son travail, qui est de soutenir adéquatement les groupes de défense collective des droits, le ministre nous sert la même médecine qu’il sert aux personnes assistées sociales, c’est-à-dire de colporter des préjugés comme quoi nous serions des fauteurs de troubles, nous mettrions de l’huile sur le feu, etc. Avouez qu’il est difficile de ne pas faire un lien direct entre notre opposition catégorique face à la réforme de l’aide sociale et l’image négative que le ministre Blais tente de nous accoler.
La politique était censée protéger les groupes de défense collective des droits d’une appréciation partisane de leur travail. Après dix ans sans indexation, force est d’admettre que c’est un échec. Nous vous posons donc la question directement: que devons-nous penser d’un parti qui en presque quatorze ans de pouvoir n’a pas trouvé les moyens d’indexer les organismes qui défendent les droits de la population? Que penser d’un gouvernement qui se dit libéral, mais qui prive les communautés québécoises des moyens dont elles se sont dotées collectivement pour défendre leurs droits et leurs libertés fondamentales? Devons-nous vous rappeler que c’est d’abord ces communautés, que vous êtes censé représenter, qui ont tout à perdre.
La défense collective des droits fait partie de l’ADN du mouvement communautaire. Il est primordial que le gouvernement du Québec rehausse de toute urgence le financement des groupes de défense collective des droits et qu’il finance adéquatement la mission de l’ensemble des groupes d’action communautaire autonome.
Voici les signataires de cette lettre ouverte:
- Adeline Laquerre, Regroupement d’éducation populaire d’Abitibi-Témiscamingue
- Alexandre Lavallée, Table ronde des organismes volontaires d’éducation populaire de l’Estrie
- Annie Maisonneuve, Mouvement d’éducation populaire en action communautaire de Saguenay-Lac-Saint-Jean, Chibougamau-Chapais
- François Melançon, Association des groupes d’éducation populaire autonome Centre du Québec
- Jean-Yves Joannette, Table régionale des organismes volontaires d’éducation populaire de Montréal
- Josée Harnois, Table régionale des organismes volontaires d’éducation populaire de la Montérégie
- Marc Benoît, Regroupement des organismes d’éducation populaire autonome de la Mauricie
- Marie-Chantal Locas, Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec
- Michel Savard, Table des groupes populaires Côte-Nord
- Mylène Geoffroy, Mouvement d’éducation populaire autonome de Lanaudière
- Rachel Larocque, Table ronde des organismes volontaires d’éducation populaire de l’Outaouais
- Vania Wright-Larin, Regroupement d’éducation populaire en action communautaire des régions de Québec et Chaudière-Appalaches