Une critique sans trop divulgâcher.
La crise d’Octobre a marqué le paysage canadien mettant en lumière les contestations du FLQ (Front de Libération du Québec) sur certaines inégalités qui touchent le Québec. Ces revendications se sont traduites par les enlèvements du diplomate James Richard Cross, mais également du ministre provincial du Travail et de l’Immigration, Pierre Laporte.
Une troublante période de l’histoire politique canadienne qui a laissé une empreinte indélébile dans la mémoire des Québécois. Cela s’est traduit par le décès ou l’assassinat de ce dernier, par la Loi sur les mesures de guerre, mise en place par le gouvernement de Pierre-Elliott Trudeau, qui a engendré la censure des médias et des centaines d’arrestations, sans mandats, mais également, par une cavale des responsables, les frères Rose, Francis Simard et Bernard Lortie.
Cette histoire, qui a fait grand bruit, voit le jour dans le long-métrage documentaire de Félix Rose, qui nous montre cette période vue de l’intérieur avec le regard de sa famille, notamment ceux de Jacques Rose et de ses tantes. À travers un travail harassant de 8 ans et pour lequel il voulait collaborer avec son père (décédé entre-temps), le réalisateur trentenaire, rend hommage au ciné-direct avec une multitude d’archives (500 heures numérisées par l’ONF) et de films familiaux de l’époque.
En traversant ce film, qui ne glorifie pas ou qui ne dénigre pas les actes de sa famille, Félix Rose remplit parfaitement la quête initiale de son documentaire : à savoir connaître et comprendre le passé de sa famille.
Malgré tout, il reste quelques moments flous et le choix de la subjectivité des personnes interviewées sur les différents évènements, mais c’est un choix du réalisateur et on s’intéresse à découvrir ou redécouvrir ces dates cruciales de l’histoire du Québec.
Le journal Entrée Libre s’est entretenu avec le réalisateur :
Souley Keïta : Nous nous arrêtons sur une phrase, « contester est une réaction. ». Est-ce qu’au-delà du documentaire, Paul Rose s’est fait couper les ailes notamment sur le fait qu’il ne puisse pas avoir un rôle prépondérant en politique, mais également, contester les éléments pour lesquels il s’est toujours battu?
Félix Rose : C’est sûr que lorsque mon père est sorti de prison au Québec, il était sous liberté conditionnelle donc son rôle était amoindri pour la politique, vu qu’il ne pouvait pas se présenter, par contre cette impossibilité ne prenait pas en compte le fait de faire campagne. Lorsque l’on parle de réactions, la réaction qu’il a eue dans les années 70, avec mon oncle, est liée au fait de ne plus pouvoir manifester, ce droit légitime qui leur a été enlevé à Montréal. Les lois démocratiques, pour eux, ont été bafouées et il y eut une volonté de s’inspirer des courants indépendantistes qui ont touché l’Amérique latine et l’Afrique.
Souley Keïta : « La démocratie est faite par du monde qui triche », dans ce combat pour une liberté, une égalité, est-ce que les luttes sont perdues d’avance, au moment où les gouvernements peuvent faire de nous des prisonniers politiques, à l’image de Angela Davis qui est également une prisonnière politique aux États-Unis?
Félix Rose : Mon père s’intéressait beaucoup à l’histoire d’Angela Davis. C’est sûr que l’on peut faire un lien entre les deux revendications. La revendication d’être un prisonnier politique, mais aussi, de ne pas être traité de la même façon que les autres prisonniers. Mon père n’était pas traité comme un prisonnier de droit commun, car on lui interdisait de nombreuses choses, notamment le fait de ne pas pouvoir voir sa mère, sur son lit de mort. Ceci est accordé à tout le monde, normalement. Vu que mon père était devenu un symbole fort, il créait une certaine peur chez les politiques. Je pense qu’ils ont essayé de le briser en prison. Les conditions de détention étaient exécrables, c’est pour cela que ma grand-mère a créé un comité pour soutenir les prisonniers politiques et montrer ce qu’il se passait dans les prisons.
Souley Keïta : Le titre, est-ce que ce choix est déterminé par le fait de ne pas prendre uniquement le combat d’une personne, mais plutôt les répercussions sur toute une famille qui se bat pour les mêmes contestations?
Félix Rose : La crise d’Octobre est souvent un événement au Québec que nous avons souvent vu à l’écran avec toujours les mêmes images. Je trouvais que c’était intéressant de le raconter de façon différente. Même s’ils n’apparaissent pas dans le film, il y a beaucoup de témoignages de particuliers. Mon père est devenu la figure de cette crise, cela aurait été facile de l’appeler juste « Paul Rose ». Toutefois, dans cette histoire, toute ma famille occupait une place importante dans cette lutte, que ce soit mon oncle, que ce soit ma grand-mère, qui est le cœur de la famille, ou encore mes tantes. Pour comprendre Paul Rose et Jacques Rose, il faut d’abord comprendre Rose Rose. Pour moi, c’est la révélation du film, car toutes les valeurs de solidarité, de communauté, d’entre-aide viennent de cette femme. Il était évident d’appeler ce film « Les Rose » puisque je voulais, également, montrer le côté collectif, le côté famille unie. Je voulais mettre en lumière les dommages collatéraux sur la famille, mais aussi les réactions par rapport à ces évènements. Toute ma famille a été active pour sortir les frères Rose de prison. Ces combats ont donné naissance à d’autres combats autour de la crise d’Octobre au Québec, notamment le fait de voir des femmes dans les jurés.
Vu que je suis le « fils de », il était important de montrer ma subjectivité sur cette histoire, telle que je la connais, telle qu’on me la racontait. Attention! Au vu de cet héritage, comprendre ne veut pas dire être d’accord.
C’est ma vérité et non la vérité. Les Rose, c’est plus que mon père.
Ce documentaire est à voir absolument à La Maison du Cinéma, et cela depuis le vendredi 21 août 2020.