Les feux d’artifices qui explosent chaque année tout près du Lac des Nations en laissent plusieurs perplexes. Non seulement en raison de la musique parfois cucul qui les accompagne, mais surtout en raison de la pollution qu’ils semblent certains de causer. Entrée Libre a enquêté.
On peut légitimement s’interroger sur l’impact des feux d’artifices sur la qualité de l’eau du Lac des Nations. Quelques fois par année, le Lac est le théâtre de pétarades colorées dont les conséquences sur l’eau et l’air semblent peu inquiéter les élus et les groupes de nature environnementale.
Le groupe Action St-Francois, rejoint par Entrée Libre, affirme ne pas être au courant des impacts des feux sur la qualité de l’eau de la rivière. Jean-Paul Raîche, président du Cogesaf, se dit pour sa part plutôt intrigué par la question. «On n’a jamais eu, dit-il, à réfléchir à cette question».
André Nault, des Amies de la Terre, qui n’a pas étudié le dossier, s’interroge : « On prend des métaux, on les brûle et on les laisse tomber dans le lac.., et on a jamais évalué l’impact d’une telle pratique», dit-il.
Paul Beaudoin, directeur de la Corporation CHARMES, affirme qu’aucune étude sur le sujet n’a jamais été envisagée sérieusement par la Ville. «Une étude comme ça coûterait très cher», renchérit-il.
D’ailleurs, les études sur les impacts des feux d’artifices sur la qualité de l’eau n’abondent pas. Des chercheurs ont déjà identifié aux États-Unis à la fin des années 90, des sources d’eau «potable» contaminées par le perchlorate, un cancérigène qui entre dans la composition de certains feux d’artifice.
D’autres recherches ont souligné les dangers pour la santé de certaines personnes à risque causés par le nuage toxique de fines particules métalliques (aluminium, titanium, magnésium, cuivre, etc.) qui se dégagent des sites pyrotechniques.
Pas d’impact
Jean-Pierre Beaudoin, directeur de la Fête du Lac des Nations, est catégorique : les feux d’artifices n’ont «pas d’impact» sur la qualité de l’eau de la rivière Magog. «Toutes les bombes utilisées, dit-il, doivent être homologuées par un organisme fédéral». «Seules les compétitions internationales, comme les Feux Loto-Québec, ont droit d’utiliser des feux non homologués».
Les feux d’artifices utilisés à la Fête du Lac sont faits de «papier mâché biodégradable » et ne contiennent aucun métal Lourd, aux dires de M. Beaudoin.
En effet, l’importation, le stockage et l’utilisation de feux d’artifices sont règlementés par le Ministère des Ressources naturelles du Canada.
Jean-Luc Arpin, gestionnaire national de la délivrance des licences, conformité et autorisation, affirme que certains métaux lourds (le plomb, le chrome et le mercure) sont interdits dans la composition des feux d’artifices au Canada, mais que d’autres sont permis. La règlementation est en place depuis une quinzaine d’années.
M. Arpin confirme que plus d’études ont été faites sur la qualité de l’air que sur celle de l’eau en lien avec l’utilisation des feux d’artifices. Une de ces dernières a été menée récemment aux Chutes Montmorency, près de Québec. La conclusion du rapport spécifiait qu’il était «improbable» que la rivière soit affectée par la tenue de spectacles pyrotechniques essentiellement parce que les particules se dispersent en haute altitude et que des feux d’artifices n’ont pas lieu d’une manière intensive.
M. Arpin souligne qu’une autre étude a été menée à Epcot Center ou des spectacles ont lieu régulièrement, devant un lac. Les chercheurs ont trouvé du barium, du strontium et de l’antimoine dans le lac. «Cependant, fait remarquer M. Arpin, c’était un lac stagnant.»
Quant au perchlorate, M. Arpin affirme que le produit est permis au Canada, mais qu’il se décompose à la combustion. Il conclut qu’il n’y « a pas de risques évidents qui ont été trouvés» en lien avec l’utilisation des feux d’artifices.
D’autres déchets
Au-delà de la pollution chimique possible de la rivière Magog, il y a aussi la question des autres déchets générés par les feux. Certains témoins disent avoir récupéré des petits couvercles de plastique en bonne quantité dans le lac. Paul Beaudoin, directeur de la Corporation CHARMES, confirme qu’un employé de CHARMES récupère régulièrement de ces couvercles qui entrent dans la composition des bombes. «A chaque fois que ça fait Pow!, dit-il, il y a un couvercle qui se retrouve dans le lac».
Jean-Pierre Beaudoin, de la Fête du Lac, affirme pour sa part que des plongeurs sont engagés pour nettoyer le lac aux lendemains des feux. «On trouve plus d’autres déchets dans le fond du lac» que des déchets liés aux spectacles pyrotechniques.