C’est en assistant à un atelier citoyen intitulé «L’intégration de la dimension de genre dans l’adaptation aux changements climatiques» , donné par Madame Annie Rochette à Québec la semaine dernière, que j’ai été pour la première fois sensibilisée à cet enjeu. Voici mon humble compréhension, pour peut-être en sensibiliser d’autres à mon tour!
La problématique des changements climatiques est maintenant bien connue. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les changements climatiques sont les «[c]hangements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables». Alors que nos écosystèmes marins, terrestres et forestiers écopent, aucun changement majeur d’orientation politique ou économique n’est envisagé.
Puisqu’on parle maintenant «d’adaptation» et non de «lutte» aux changements climatiques, les sociétés devront mettre en place d’importantes mesures pour aider la population à demeurer fonctionnelle et à atteindre une certaine résilience dans leur mode de vie. Ces mesures adaptatives seront-elles les mêmes pour les hommes et les femmes? Bien qu’aborder cette question comporte un certain risque d’alimenter les stéréotypes existants quant aux rôles hermétiques de l’homme et de la femme dans la société, il est primordial de la soulever pour créer des sociétés égalitaires, car ces variantes existent et qu’il ne faut pas avoir peur de les nommer.
L’objectif d’approcher les changements climatiques avec une dimension «genrée» est de s’assurer que les mesures d’adaptation aux changements climatiques soient efficaces et appropriées aux réalités de toutes et de tous, et qu’elles ne participent pas à alimenter les inégalités sociales existantes. En effet, il serait contre-productif de tenter de résoudre une problématique en en créant une autre.
L’inégalité des sexes dans les impacts liés aux changements climatiques est un enjeu peu connu au Québec. Contrairement aux pays du Sud, nous ne subissons concrètement encore que très peu les conséquences des dérèglements climatiques, comme l’augmentation des catastrophes naturelles, des sécheresses et des maladies.
Dans la majorité des sociétés, les femmes ont officiellement ou non officiellement le rôle de nourrir les plus vulnérables et de s’en occuper: enfants, malades, blessés et personnes âgées. Dans un contexte d’augmentation de canicules, de maladies et de catastrophes naturelles, le nombre de personnes vulnérables augmentera aussi, ajoutant ainsi une charge de «travail invisible» aux femmes. L’expression «travail invisible» est utilisée pour «imager» la charge de travail que représentent la reproduction et les soins à donner aux enfants ou aux malades, à laquelle on n’accorde pas de reconnaissance sociale ou salariale.
«L’analyse différenciée selon les sexes (ADS)» est une approche qui prône l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’analyse des impacts potentiels d’un projet ou d’une problématique sur une population. Évaluer séparément les impacts qui concernent les hommes et ceux qui concernent les femmes permet de cibler la présence d’une inégalité potentielle et de la prévenir. En effet, les hommes et les femmes n’ont pas toujours les mêmes besoins dans une journée typique, c’est ce qu’on appelle les «impacts différenciés».
Il est donc important de tenir compte de ces différences dans les besoins quotidiens de chaque sexe, et d’y répondre adéquatement. Bref, les mesures adaptatives peuvent être différentes pour les hommes et les femmes, mais l’adaptation elle-même sera en finalité égalitaire! C’est un peu comme donner la possibilité à deux personnes d’emprunter des sentiers différents pour se rendre au même sommet. Le fait de créer l’opportunité d’avoir deux sentiers est une façon de promouvoir l’égalité des sexes, puisque c’est grâce à la présence de ceux-ci que chacun aura la chance de se rendre au sommet.
Par exemple, disons qu’une mesure adaptative aux changements climatiques serait de promouvoir le transport en commun et que nous analysons la proposition avec l’approche ADS, nous pourrions nous poser les questions suivantes: les hommes et les femmes ont-ils les mêmes besoins en matière de transport en commun? Les hommes et les femmes utilisent-ils présentement le transport en commun de façon équivalente? Quelles seraient les raisons pour lesquelles un homme ne prendrait pas le transport en commun? Quelles seraient les raisons pour lesquelles une femme ne prendrait pas le transport en commun? Selon les études réalisées par Madame Annie Rochette, plus de femmes utilisent le transport en commun que d’hommes, alors que plus d’hommes possèdent une voiture que de femmes, ce qu’on peut expliquer par une inégalité des revenus.
De plus, un exemple d’obstacle à l’utilisation du transport en commun que pourraient rencontrer plus de femmes est le besoin d’aller reconduire le premier enfant à la garderie, puis le second à l’école (à deux lieux différents qui seraient par exemple loin l’un de l’autre) avant d’aller travailler, ce qui ferait un total de trois transferts et entraînerait donc une certaine perte de temps. Aussi, plus d’hommes utilisent le vélo comme principal moyen de transport que de femmes, car celles-ci sont dites plus «craintives» des conditions de route par exemple. Bref, les perceptions des changements climatiques et les solutions envisagées sont différentes pour les hommes et les femmes, mais très peu de statistiques différenciées existent sur le sujet des changements climatiques, ce qui ralentit actuellement la compréhension du lien entre le genre et l’adaptation climatique.
Ce chevauchement d’idéologies et de luttes féministes et écologistes trouve écho en la pensée «Éco-féministe», qui dénonce l’exploitation des femmes et de la nature par le système capitaliste, le colonialisme et le patriarcat. Sachant que les deux causes ont besoin de renfort par les temps qui courent, une alliance stratégique pourrait-elle naître entre les groupes?
Cet article est inspiré de l’atelier citoyen intitulé «L’intégration de la dimension de genre dans l’adaptation aux changements climatiques» , donné par Madame Annie Rochette, enseignante à l’UQAM en sciences juridiques.