Oui, l’obligation du port du masque, les mesures de distanciation sociale et les restrictions de rassemblement sont un « pain in the ass » comme on dit en bon français colonisé. Si une « société nouvelle » se fait encore attendre après la première vague de Covid-19 de ce printemps, il est clair que notre réalité quotidienne a changé. Se promener avec un masque sur le visage ou faire un pas de recul lorsque l’on croise quelqu’un pour amorcer une conversation à plus d’un mètre de distance n’a rien à la fois de naturel ni de souhaitable pour le futur d’une vie en société. C’est une situation frustrante mais nous sommes bien obligés d’admettre que nous sommes pris avec la réalité des caractéristiques infectieuses de ce virus et que nous ne pouvons que suivre les recommandations des organismes de santé publique. L’obligation du port du masque dans tous les commerces et lieux publics fermés est autant une atteinte à la liberté que la limitation de vitesse à 100 km/h sur l’autoroute. La majorité des autos peuvent allègrement atteindre le 140 km/h sans forcer, mais les études sur la sécurité routière montrent qu’il y a une corrélation directe entre la vitesse et le nombre et la gravité des accidents. Limiter la vitesse sur la route, c’est réduire statistiquement, et à la fin de l’année très concrètement, le nombre de personnes blessées et tuées. La même logique s’applique actuellement vis avis de l’épidémie de coronavirus.
Car l’enjeu sur la liberté se situe bien plus dans le champ des faits et de la science que sur celui de la morale et de la philosophie. Ceux que l’on a appelé astucieusement les « covidiots » et qui ont manifesté dans les rues de plusieurs villes au Québec contre l’atteinte aux libertés individuelles en traitant les porteurs de masques de moutons du pouvoir politique sont à première vue les mêmes personnes qui ont tendance à adhérer aux théories du complot. Être citoyen demande un esprit critique essentiel face aux messages et aux choix des autorités publiques. Il est sain de douter, et c’est même une des bases de la réflexion scientifique : il est permis de douter de tout jusqu’à preuve irréfutable de l’évidence. Et même à partir de là, de nouvelles observations pourront remettre en cause ce que l’on prenait pour « vrai » et acquis. La Science n’est pas une croyance, une religion, une foi, c’est une démarche basée sur la validation d’une hypothèse à partir d’une collection de faits. Un des apports positifs de la pandémie est d’avoir réintroduit dans l’espace public le discours et la rigueur de la méthode scientifique.
Mais plutôt que de pointer les covidiots du doigts en ricanant sur leurs théories fumeuses de la Terre plate – après tout, qui sait comment on a démontré que la Terre est ronde ? – on peut s’interroger sur ce qui pousse à autant de scepticisme et de remise en cause de la parole publique. Rigoler des crédules plutôt que de faire taire les menteurs, c’est l’histoire du doigt que l’on regarde alors que le sage montre la Lune. Comment ne pas être sceptique et défiant envers la parole publique quand des personnalités politiques ou dirigeantes sont prises dans des affaires de collusion et de conflits d’intérêts. L’élection de Justin Trudeau en 2015 a suscité un vrai espoir après les années de régression Harper. En cinq ans de pouvoir la gouvernance Libérale a été une succession de collusions avec l’argent, de promesses reniées et d’abus de pouvoir. La mise à pied par le MAPAQ de l’agronome Louis Robert alors qu’il dénonçait la collusion des ingénieurs agronomes avec les compagnies de pesticides et de fertilisants sur leurs pratiques de prescription ne peut que favoriser un climat de méfiance envers les autorités de régulation. Des histoires comme celles-ci on en trouve à la pelle. Elles ne sont malheureusement pas des histoires à dormir debout mais belles et bien étayées par des faits et des preuves. Laisser courir les escrocs et les menteurs même après avoir été débusqués, le voilà le virus mortel pour la liberté et l’exercice de la citoyenneté.