Quel est le véritable enjeu du financement au transport adapté? Équilibrer les finances de l’État? Changer les règles du service pour encore réduire davantage les budgets annuels? Et l’intégration à poursuivre des personnes handicapées? Est-ce vraiment pris en compte dans les discussions en cours concernant l’avenir du financement du transport pour les personnes handicapées pour 2017?
Avec les surplus de 2015-2016 que le gouvernement a annoncé en juillet 2016, il se trouve encore des fonctionnaires, trop nombreux, pour tenir le discours qu’il faut «optimiser la gestion des services de transport adapté avant de demander un rehaussement du financement gouvernemental». On entend dire même que le fait de manifester pour les transporteurs leur difficulté à répondre à la demande, ça «ne peut suffire à justifier une demande d’augmentation du financement»! Comme si depuis 30 ans tous les transporteurs de transport adapté géraient mal leur service! On leur demande de revoir leurs règles d’utilisation, leurs véhicules transportant leur clientèle handicapée, leurs ententes avec les groupes demandant beaucoup de service pour leurs activités. Un langage qu’on retrouve à divers paliers de décision, à se demander s’il émane des mêmes experts-conseils…
Et les personnes handicapées dans tout ce débat? Est-ce que ce ne sont pas elles qui ont «les premières» crié au loup lorsque des coupures sont intervenues pour «rationnaliser» les services de transport adapté? Des groupes d’Outaouais, de Sherbrooke, de Lanaudière, du Saguenay, de Québec, de la CIT des Laurentides, etc. Les médias en faisaient état partout. Qu’est devenue la considération des commentaires des usagers et de leurs organismes porte-parole? De plus en plus, une mentalité «d’experts» en réorganisation, en restructuration, en optimisation, est ce qui prédomine. On engage ou consulte des firmes, des ingénieurs, des diplômés en réingénierie, et ceux qui n’ont pas cette formation leur confient de plus en plus la gestion des services en transport adapté. Et les personnes handicapées, leurs expertises, leurs connaissances, sont mises de côté.
Même au niveau de l’histoire du transport adapté, les personnes handicapées réalisent qu’on minimise leur rôle. Les premiers services de transport adapté ont pourtant été mis sur pied par des personnes handicapées. Que l’on songe aux frères Forest, à des Gaston Spooner, Christian Dufour, Maurice Richard, et bien d’autres. Va-t-on se priver de tenir compte des vrais connaisseurs?
D’où l’importance de préciser les enjeux actuellement dans le financement du transport adapté. Les économies à faire ou une desserte qui réponde le mieux possible aux besoins des personnes handicapées? Si les exemples venant des structures d’en haut sont des enjeux d’ordre uniquement économique, il appartiendra aux personnes handicapées de reprendre le chemin de la mobilisation pour se faire entendre. Certaines se servent du juridique, c’est plus long, et le gouvernement semble parfois ne pas tenir compte des lois déjà reconnues. Louise Arbour interviewée dernièrement disait avoir toujours travaillé à la gestion des activités humaines par la «règle de droit» et être contre tout abus de pouvoir. Or, y a-t-il actuellement abus de pouvoir par les nombreux bonzes de l’économie et leurs argumentations dogmatiques?
Il faudra réinventer de nouvelles façons de faire par les personnes handicapées pour que l’on considère leur intégration et son développement comme le véritable enjeu, autant en transport adapté qu’en soins de santé. Idéal de l’ordre de l’humain mobilisateur et réalisable?
Raymond Duquette et France Croteau sont respectivement président et coordonnatrice du Regroupement des usagers du transport adapté de Sherbrooke Métropolitain (RUTASM).