Si nos ancêtres disposaient de leur potion pour se défendre contre les Romains, nous, nous disposons du cannabis sativa pour soulager certaines douleurs et aider à passer le temps.
Cette plante provient de la région située entre le nord-ouest de la mer Caspienne et la Chine. Ce sont les Chinois qui en développèrent les nombreuses applications les premiers. Au début des années seize-cent de notre aire, le chanvre fut associé à la destinée par les herboristes d’Istanbul de l’époque, haut lieu de traditions diversifiées et point de jonction entre les cultures de l’Occident et de l’Orient.
Le chanvre rend introspectif. D’aucuns diront qu’il provoque une certaine stupeur. Il est à proscrire pour les jeunes gens chez qui ils provoquent des épisodes paranoïdes et chez les adultes au travail.
La griserie cannabique est unique. Elle est subtile et agréable. À son niveau d’expression le plus intense, elle givre dans l’implosion de la personne sur elle-même. C’est en quelque sorte de ce repli entier de tous les sens (sauf celui de l’audition), dont il est question quand on condamne la douce évasion de la réalité. Une ouateuse confusion mêlée à une ivresse éphémère donne le ton à l’expérience de cette plante narcotique. Un moment qui dure peu longtemps et où l’on oublie au fur et à mesure qu’il a lieu, ce qui se passe dans son « ici et maintenant ». C’est l’enchantement dans l’imagination et la rêverie.
Le chanvre désennuie. Le temps passe agréablement. Les idées dévalent dans le passé. Elles viennent nombreuses, mais elles sont souvent oubliées. Parfois, elles reviennent. Mais il est certain que le chanvre aide à passer le temps agréablement et différemment. L’effet que procure l’aspiration de l’ardent foyer (tournant d’un coup de miettes vertes à braises rouges) familiarise avec le sens de l’éphémère.
La satisfaction que procure le THC ne dure pas. Quelques grammes de cette substance donnent quelques heures d’ivresse. Une bonne « pof » du produit réussi à geler un court moment. Pendant ce gel, la motricité est nulle, tout comme le verbe. Seul le sens auditif est obscurément conscientisé. À répéter donc, pour se rassasier.
Il serait souhaitable qu’on reconnaisse que « passer le temps » et l’ennui sont d’importantes difficultés que rencontrent les invalides, les malades chroniques et les personnes âgées. J’ai ouï dire que les bipolaires consomment le chanvre pour déjouer leur anxiété. Cette automédication est à leurs frais.
Il ne faut pas oublier que le chanvre est une plante narcotique, voilà qui la rend illicite. Le chanvre cultivé est un stupéfiant, il entraine une dépendance, au même titre que la nicotine. Pour un toxicomane, l’abstinence occasionne un inconfort physique, un peu comme un fumeur de cigarettes qui veut renouveler sa dose de nicotine. Un jour, un psychologue disait: « Pour être abstinent, il y a un prix à payer ». Il faut être prêt à payer ce prix.
On tolère le chanvre comme plante anesthésiante quand elle soulage la douleur physique, là où la morphine échoue, par exemple. Mais pour ce qui est de la souffrance morale (l’ennui), il est maintenant possible de consommer en toute légalité. Il serait heureux que la production, la possession, la vente et la consommation du chanvre soient maintenant légalisées pour les adultes, au Canada, c’est-à-dire égales, à la nicotine, et en lieu de la cocaïne, de l’héroïne ou de la méthamphétamine (speed). Des recherches scientifiques sur le cannabis s’imposent.