Le 51e État d’inconscience

Date : 10 mars 2025
| Chroniqueur.es : Marc Bédard Pelchat
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Donald Trump veut annexer le Canada? Pourquoi perdrait-il son temps à cette tâche? À ce que je sache, nous sommes déjà très fortement américains. Qu’y a-t-il au juste dans notre économie et dans notre mode de vie qui n’est pas tributaire des Américains? Notre fonctionnement économique n’est en rien différent de celui de nos voisins du sud et nos systèmes politiques diffèrent par quelques nuances. Nous sommes tout autant prédateurs en politique étrangères et dilapidons les ressources naturelles de la même façon. 

« Vivre en ce pays, c’est comme vivre aux États-Unis… » chantait Robert Charlebois en 1973.

La menace des tarifs douaniers en a fait réagir plus d’un. Mais, au fait, nous avions amplement le temps de diversifier notre économie — depuis le temps que nous nous savons si fragilement dépendants — afin qu’elle ne soit justement pas tributaire de celle de nos voisins du sud. Y aurait-il, par hasard, des « forces » qui nous empêcheraient justement de faire en sorte que nous soyons vraiment indépendants. Je parle de l’indépendance canadienne par rapport aux États-Unis.

Les dernières négociations sur le libre-échange sous la gouverne de Chrystia Freeland ont pris une éternité, faites de maints compromis au point où on se demande si nous n’aurions pas pu faire pire encore pour satisfaire Washington. Comme citoyens, nous contribuons aussi à cette dépendance, sans se poser de questions sur ce que cela nous donne financièrement comme pays, pas seulement pour soi-même. Autrement si on ne veut pas réfléchir de la sorte, on ne peut pas non plus faire des gorges chaudes face aux propos de Trump ou de quiconque chercherait à nous avaler tout rond. Quelle est la part de propriété canadienne ou québécoise dans tout ce que nous contrôlons, produisons (matériellement et intellectuellement) ou consommons ? Nous acceptons de nous laisser acheter à la moindre occasion, lorsque nos entreprises fonctionnent trop bien. Cela aussi devrait avoir une importance quand on parle de sentiment d’appartenance qui ne soit pas qu’un patriotisme de pacotille. On se croit affranchi et libre alors que nous sommes surtout « franchisés ». L’utilisation que nous faisons du reste du terme franchise est un calque de sa définition en anglais qui correspond à une servitude.

L’indépendance économique passe d’abord par la prise de conscience soudaine que nos échanges interprovinciaux ont plus de barrières qu’avec nos voisins au sud ! Les chasses gardées de tout un chacun sont enfin revisitées à l’aulne des risques de notre propre survie économique. Il faut diversifier notre économie aussi en faisant valoir que tous les types d’emplois sont importants. Si un pays comme la Chine ou l’Inde nous dépassent en termes de PIB, c’est aussi qu’il y a chez eux à la fois des ingénieurs et des ouvriers, ce que nous avons oubliés en envoyant toute notre production se faire fabriquer ailleurs. La plus-value des produits finis est de beaucoup supérieure à la simple exportation de nos matières premières brutes non-renouvelables. Nous fabriquons de l’aluminium (parce que nos tarifs électriques sont dérisoires pour ces entreprises) mais nous importons la bauxite pour ce faire et nous sommes faibles en production de produits finis. Si nous sommes sérieux à vouloir contrer les menaces de Donald Trump, il va falloir revoir la copie du fonctionnement de notre économie qui se doit d’être équilibrée tant en termes de production que dans un rapport à une meilleure qualité de vie pour les humains et pour tout le reste qui constitue nos milieux de vie. 

 

 

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