Pour nous qui sommes à l’écoute des scientifiques qui demandent de retrouver nos esprits au plus vite pour rebâtir un monde durable, nous nous interrogeons de l’enthousiasme partagé cette semaine pour le financement de l’aéroport de Sherbrooke. Nous ne mettons pas en doute l’impact que cette desserte pourrait avoir sur l’économie estrienne à court ou moyen terme et nous sommes tout à fait conscients de son attractivité auprès des entreprises qui ont actuellement le vent dans les voiles.
Nous ne pouvons tout simplement pas ignorer que le transport aérien représente environ 2 % des émissions de CO2 de la planète et que son impact environnemental est d’environ 4,9 % des contributions humaines totales aux changements climatiques. C’est Ryan Katz-Rosene, professeur de l’Université d’Ottawa, qui étudie les transports durables qui en faisait part le 13 août 2019 sur le site Internet de Radio-Canada.
Dans un contexte où 10 % des plus riches sur la planète sont responsables de la moitié des émissions de GES mondiales (Oxfam Québec), est-ce éthique de justifier un tel projet uniquement pour des raisons économiques? Quel héritage laisserons-nous à nos enfants si nous ne revoyons pas notre relation au profit à tout prix sans considération pour notre planète et pour une majorité qui a plus à perdre qu’à gagner de l’augmentation du trafic aérien? Selon les Nations unies, 820 millions de personnes souffraient de la faim en 2018, en grande partie à cause des dérèglements climatiques. Qui plus est, 20 millions de personnes doivent quitter leur demeure chaque année pour échapper à des cyclones, à des inondations et à des sécheresses – fléaux qui touchent principalement les populations de pays à faible revenu.
Rappelons qu’au cours de la dernière année, la pandémie de COVID-19 au Québec a frappé durement les personnes déjà vulnérables pendant qu’une majorité de femmes étaient au front dans les hôpitaux et CHSLD pour sauver les personnes âgées. Pendant ce temps, les plus riches connaissaient la prospérité (rapport du service d’études économiques de la Banque CIBC). Nous ne sommes pas tous dans le même bateau. Certain-es sont à bord de yachts tandis que d’autres se débattent dans des canots de sauvetage.
En ce mois d’action pour la justice climatique à Sherbrooke, nous invitons les élu-es et la population à plutôt encourager des initiatives qui protègent les populations les plus vulnérables en augmentant leur niveau de résilience face aux changements climatiques. Nos élu·e·s des paliers municipaux, provinciaux et fédéraux ont la responsabilité de prendre en considération les groupes socioéconomiques les plus vulnérables et non pas seulement de faciliter la vie de ceux et celles qui ont le moins besoin de s’enrichir.
Nous demandons au conseil d’administration de la Corporation de l’aéroport de Sherbrooke de démontrer concrètement comment leur projet aurait un impact positif sur l’environnement et sur les populations les plus à risque d’être fragilisées par les changements climatiques.
Avez-vous seulement envisagé d’avoir une flotte de véhicules électriques au sol? Pensez-vous aménager des bâtiments, des systèmes d’éclairage et des pistes écoénergétiques? Incluez-vous la mise en place de redevances environnementales qui serviraient à des projets de réduction de gaz à effet de serre? Avez-vous envisagé d’autres options de transport en commun ayant moins d’impact que l’avion pour désenclaver Sherbrooke? L’aéroport de Montréal n’est qu’à 1h30 de voiture ou de navette, possiblement moins avec d’autres transports terrestres en commun qui pourraient être développés au bénéfice de tous les citoyens de la région et pas seulement des plus riches.
Signataires: Jacob Auger, Lucie Battaglia, Annick Beauregard, Marika Béland, Mathieu Bisson, Maude Boisvert-Beaudry, Isabelle Breune, Chantale Carrier, Lucie Desgagné, Nicolas Devillers, Giulietta Di Mambro, Lucienne Hick, Emanuelle Jarniart, Pierrick Labonté, Christine Labrie, Stéphanie Leclerc, Jérémy Moriault, Charlotte Pépin-Tanguay, Richard-Gilles Perreault, Ann-Catherine Pilon, Louis-Philippe Renaud Marilou Roy, William-Olivier Savard, Claude Saint-Jarre, Rémi Tavon et Sylvain Vigier du mouvement Urgence Climatique Sherbrooke.
Crédit photo: Anthony Starks (Flikr)