Après avoir stigmatisé les peuples premiers dans ce qu’on appelle le Canada pendant des centaines d’années, tentant des les «éduquer», de les protéger contre eux-mêmes dans des enclos qu’on a d’abord appelés des «réductions» ensuite des réserves, créant au passage le ministère des Sauvages, ensuite séquestrant leurs enfants dans des «pensionnats» pour les assimiler, voici que l’on entreprend maintenant d’enseigner une langue pour laquelle il n’existe pratiquement plus de locuteurs ou de locutrices d’origine.
L’initiative de l’université de Sherbrooke d’offrir cet automne un cours de langue abénaquise n’aurait pu voir le jour sans une rencontre qui eut lieu sur le campus à la fin de l’automne dernier où Philippe Charland était venu parler de la langue abénaquise. Géographe de formation et enseignant, Philippe Charland a commencé à s’intéresser à cette langue autochtone au début des années 2000, lui, non Abénakis, est l’un des seuls en mesure de la transmettre. Les derniers locuteurs et locutrices originaux de la langue abénaquise sont décédés à la fin du XXe siecle, sans être en mesure de transmettre à la génération montante la langue de leurs ancêtres.
Grâce aux changements d’attitude grandissants envers les premiers habitants du continent, il est désormais possible d’apprendre quelques langues autochtones au Canada, notamment le cri, l’innu, le pied-noir, le m’kmaq ou l’abénakis. Cette dernière langue est enseignée à l’institut Kiuna à Odanak, non loin du lac Saint-Pierre, entre Sorel-Tracy et Nicolet. En plus d’Odanak, comme lieu de la présence des Abénakis, Wolinak, près de Bécancour est une autre réserve où se retrouve les Abénakis mais la plupart des Abénakis au Québec vivent hors réserve.
Rejointe par courriel, Patricia Godbout, professeur titulaire à l’université de Sherbrooke et directrice du Centre Anne-Hébert, nous apprend qu’elle et son collègue René Lemieux ont fait des démarches l’hiver dernier auprès de la direction de la Faculté des lettres et sciences humaines pour créer ce cours. «L’idée était de poser des gestes concrets en milieu universitaire dans la foulée des recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation. La doyenne Anick Lessard s’est montrée enthousiaste, de même que le directeur par intérim du Centre de langues et vice-doyen André Marquis. Nous sommes également allés voir le directeur général du Conseil des Abénakis d’Odanak, Daniel Nolet, pour nous assurer qu’il voyait d’un bon œil cette offre d’un cours d’abénakis à l’U de S. Il y était tout à fait favorable. L’Université a également décerné un doctorat honorifique à la cinéaste abénakise Alanis O’bomsawin en mars dernier.»
Le cours ABK101 sera donné le mercredi à 19h sur le campus principal de l’Université de Sherbrooke. Pour s’inscrire il faut d’abord être admis à l’université ou faire le processus d’admission.