Qu’on soit pour ou contre la Charte des valeurs québécoises, ou plus précisément qu’on soit pour ou contre l’article 5 de la section II du projet de loi 60 interdisant le port de signes religieux ostentatoires par le personnel des organismes publics, force est de constater que le débat a dérapé à maintes reprises.
Bien qu’étant porteur du projet de loi, le gouvernement a la responsabilité de s’assurer que ce débat demeure serein et surtout il a la responsabilité de dénoncer les débordements à l’emporte-pièce qui se multiplient. En effet, quand un gouvernement n’intervient pas énergiquement lorsque fusent des commentaires du type «Si vous n’êtes pas contents, retourner chez vous!», c’est qu’il a lamentablement échoué à son devoir d’éducation et de maintien de la paix sociale.
En conséquence, il se produit actuellement une montée de la violence à l’endroit des minorités religieuses, et à l’endroit des femmes musulmanes en particulier. Le gouvernement devrait en prendre acte et il devrait dénoncer fermement et publiquement ces dérives. Le chat est en effet sorti du sac. Ce sont les femmes voilées qui font problème pour plusieurs. C’est surtout vers elles que monte cette flambée de violence verbale et de plus en plus physique. Plusieurs se font arracher leur hidjab en public, souvent devant leurs enfants; on les «incite» à rentrer chez elles, quand plusieurs sont nées ici… La haine craint rarement l’absurde et le ridicule.
De plus, des pancartes «Non à l’islam!» apparaissent ici même à Sherbrooke et un magasin halal a reçu des balles de fusils à plomb dans sa vitrine. Et que fait le gouvernement? Rien. Un bon leader dénoncerait ostensiblement les dérapages et recadrerait le débat. Mais le leadership de notre gouvernement est à saveur électoraliste. Les flambées émotives, qu’il les partage ou non, sont en sa faveur. Alors il abdique de ses responsabilités et se rend complice de ces honteux dérapages par son quasi-silence. D’ailleurs, le seul fait de laisser stagner le débat autour des femmes voilées —alors qu’en fait tous les signes religieux, dont plusieurs portés par des hommes, seraient interdits— est une preuve de plus du laxisme paresseux et inconséquent du gouvernement.
Aussi, un leader responsable détricoterait énergiquement les amalgames souvent entendus entre l’islam et l’intégrisme, plutôt que de surfer hypocritement sur cette vague. La lutte contre tous les intégrismes est une nécessité, tout comme la lutte contre la montée de l’extrême droite. Mais s’attaquer lâchement aux femmes voilées, sous le couvert paternaliste de vouloir les protéger, comme certains intervenants dans ce dossier l’ont trop souvent fait, c’est de la mauvaise foi crasse.
Et pour terminer, que dire de l’instrumentalisation du droit des femmes en général? En effet, il est beau de voir tous ces hommes, et ces femmes, se transformer soudainement en chevaliers à l’armure scintillante dont le nouveau champ de bataille est soudainement le droit des femmes… Rappelons-nous humblement que l’égalité entre hommes et femmes, pure laine ou non, est loin d’être atteinte au Québec. Beaucoup de dossiers auraient avantage à être investis avec autant de vigueur que celui de la charte, et ce dans le but d’atteindre des avancées beaucoup plus concrètes et globales pour les femmes du Québec; qu’on parle ainsi sérieusement de la précarité au travail plus répandue chez les femmes, de la pauvreté en général et des femmes en particulier, de la violence faite aux femmes, de la culture du viol, de l’hypersexualisation, de l’éducation sexuelle à l’école, etc.
Bref, en abdiquant de ses responsabilités et de son leadership, non seulement le gouvernement Marois ne fait rien de probant pour l’avancement des droits des femmes, mais il crée ainsi de toute pièce un vent de colère contre les musulmans d’ici et il se laisse maintenant bassement porter par ce vent vers les berges d’un mandat majoritaire.
Dominique Dubuc est enseignante de biologie, mère de famille, lesbienne et athée