La prostitution : la plus vieille imposture du monde

Date : 8 avril 2012
| Chroniqueur.es : Jean-Martin Veilleux
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Dans L’Imposture, Ève Lamont, la réalisatrice de Squat! et de Pas de pays sans paysans, contribue une fois de plus, avec ses talents de cinéaste, au débat social, en filmant cette fois-ci la vie de femmes ayant quitté la prostitution.

Pour Ève Lamont, l’imposture, c’est de tenter de faire croire que la prostitution est un métier comme les autres, qu’on peut librement l’adopter et le quitter.

Le documentaire est le fruit de plusieurs années de travail à recueillir, à Québec, Ottawa et Montréal, les témoignages souvent touchants de quelque 75 femmes âgées entre 20 et 50 ans qui ont vécu ou qui vivent toujours de la prostitution. « Le but du film était de donner la parole [aux prostituées] et de voir leur réalité sans faire de voyeurisme, de sensationnalisme et de misérabilisme, même si nous savons que la réalité est bien pire », explique la réalisatrice.

Tandis qu’une caméra « de proximité » dépeint leur environnement, ces femmes partagent, tout au long du film, ce qui les a menées à vendre leur corps, ce qu’elles ont subi durant ces années et ce qui les en a fait sortir.  « Au début mon proxénète m’aidait, me séduisait, et quand je ne travaillais plus assez, il devenait violent, contrôlant », raconte l’une d’elles, pour finalement conclure : « dans le fond, la prostitution, c’est de te laisser violer pour de l’argent. » Pour certaines, les stigmates pèsent encore. « Les gens continuent de me juger, de me traiter de pute même si c’est une vie que j’ai laissée derrière moi », confie une femme.

La réalisatrice confesse avoir été « abasourdie par l’ampleur de la violence subie par ces femmes, par tous les intoxicants qu’elles consomment pour  »geler leurs émotions » et à quel point il est difficile de sortir de cet engrenage. »

Un film pour l’abolition de la prostitution

Dans le débat social sur la prostitution, on peut identifier trois positions : les prohibitionnistes, qui veulent interdire et réprimer la prostitution et les prostituées; les réglementaristes, qui veulent décriminaliser la prostitution et en faire un métier réglementé comme les autres; et les abolitionnistes, qui veulent la disparition de la prostitution, sans aucune répression contre les personnes prostituées.

Alors que le récent jugement Himel, en Ontario, suggère de décriminaliser la prostitution et le proxénétisme, les positions en faveur de la réglementation de la prostitution gagnent aussi en popularité. La réalisation et la diffusion, à l’échelle internationale, de films issus de cette tendance le laissent paraître : Silver Girl, portant sur des prostituées allemandes de l’âge d’or, présentées comme épanouies et heureuses, Les Travailleu(r)ses du Sexe, en France, Année bissextile et Dirty Paradise. Selon Ève Lamont, « on ne compte plus tous les films de fiction, réalisés ici et ailleurs, qui se délectent des images pornos et de la femme-marchandise, et qui idéalisent la prostitution. »

Lamont ne s’inscrit clairement pas dans cette tendance. Plusieurs témoignages viennent appuyer la thèse de la cinéaste. Par exemple, Rose Dufour, fondatrice de La Maison de Marthe, un centre d’aide aux femmes qui souhaitent quitter la prostitution, affirme avec aplomb : « tant qu’il y aura une classe de femmes prostituées, nous serons toutes potentiellement prostituables. »

« Qu’est-ce qui amène des jeunes filles et des femmes à se prostituer? », demande Mme Dufour. Elle connaît déjà la réponse : « 90 % d’entre elles ont subi des abus sexuels et des incestes. Dans toute femme prostituée, il y a une petite fille assassinée. »

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