Je ne suis même pas surpris que Sylvain Gariépy, président de l’Ordre des urbanistes du Québec, vienne donner une volée de bois vert aux ministres de l’Environnement, Benoit Charette, et son collègue aux Transports, François Bonnardel : le « 3e lien » est une hérésie, un projet pharaonique qui va à l’encontre de l’avis de tous les experts indépendants.
La densification urbaine serait une mode : la construction d’un tunnel entre Québec et Lévis constituerait un frein à l’étalement urbain selon nos ministres. Mieux : une revitalisation et un rééquilibrage.
Alors qu’à Sherbrooke on se demandait si l’on devait construire un gratte-ciel de 17 étages devant le Mont-Bellevue pour (prétendument) limiter l’étalement urbain en mettant les gens dans un long tube vertical, à Québec on veut revitaliser l’accès aux villes dortoirs en les entubant horizontalement. Deux fois plutôt qu’une. Le cout importe peu. Semble-t-il.
Quand on sait le nombre d’immeubles de plus de 9 étages construits au cours des dernières années à Sherbrooke (Humano, Vü, Urbano, Well Sud), on se surprend de constater qu’un promoteur se soit vu accorder par la Cour d’appel du Québec en 2020 de ne construire que des six-étages sur le site des Terrasses du golf dont les tours devaient en compter onze dans le projet original. À l’envers de la tendance actuelle.
Dans la course des promoteurs à construire chacun SA tour plus grande que l’autre, SON quartier d’habitations plus grand que l’autre, SA zone commerciale en bordure d’autoroute, on en est venus à oublier de loger NOTRE monde. Et à oublier que ces gens-là doivent se déplacer pour travailler, aller à l’école, se divertir et s’approvisionner. Le plus proche possible.
Dans nos villes, ce sont bien plus les élu.es qui décident de l’urbanisme que les urbanistes eux-mêmes. Ces derniers, en cédant aux élu.es (qui cèdent aux promoteurs depuis longtemps, on va se le dire!), permettent la création de quartiers invivables sans arbres, desservis par des « boulevards à deux voies » planifiés (!) pour être congestionnés dès le départ et sans service de transport en commun décent.
D’ailleurs, on apprenait hier que le gouvernement de la CAQ entend diminuer sa contribution au transport en commun. Après avoir annoncé des subventions à l’achat accéléré d’autobus électriques il y a deux semaines à peine, ça choque. Des coupures sont à prévoir. Ce n’est pas ce que j’entendais par « modérez vos transports » l’autre jour que de couper dans le transport en commun.
La croissance de nos villes devrait répondre prioritairement aux besoins de l’ensemble de la population en logements (notamment abordables), en transport durable et en infrastructures appropriées et non reposer sur la vanité anarchique de quelques-uns qui se résume à « la mienne est plus grosse que la tienne! ».