Je réfléchis… Peut-être vais-je me contenter d’être réflexif. Ainsi, j’utilise assez souvent Allô-Stop et Amigo Express depuis le printemps, pour me rendre à Montréal. Cela coûte moins cher et évite l’ajout d’un autre véhicule sur la route.
De plus, si on est le moindrement curieux, cela permet de discuter avec des gens avec qui on ne le ferait pas en temps normal. J’ai ainsi rencontré pas mal de monde faisant la navette Sherbrooke- Montréal pour autant de raisons qu’il y a de gens. Prendre l’autobus serait un choix encore plus écologique, mais le service de Transdev revient de trois à quatre fois plus cher que dans la formule du covoiturage.
J’ai choisi il y a très longtemps de ne pas avoir de voiture. Le parc automobile a facilement doublé depuis lors. La quantité de voitures dans une ville comme Sherbrooke fait que les quelques dix cyclistes qui utilisent la route passent pour des weirdos, et dans certains cas ils en ont l’allure. Autrement dit, ce n’est pas demain la veille que l’on pourra affubler Sherbrooke du vocable ville écologique, comme le souhaiteraient les édiles municipaux. Il faudra plus que des fleurs sur les talus et des pistes cyclables hors routes pour y arriver.
On s’apprête à prolonger l’autoroute 410 en passant par les bois et les champs entre le sommet de l’université et le centre d’Agriculture Canada aux limites de Lennoxville. La voiture prend toujours de plus en plus d’espace et empiète allègrement dans les territoires agricoles et la nature. Nous avons aboli le lien ferroviaire entre Sherbrooke et Montréal, il y a belle lurette au profit de la voiture individuelle. Un groupe a décidé de lancer une étude de faisabilité du retour du train. L’autobus coûte trois fois plus cher que les services de covoiturage. On imagine qu’il en serait de même du train. Bien évidemment, je n’aurais pas le temps de parler de tous les paramètres au sujet du transport à Sherbrooke et au-delà.
D’autre part, on ne peut pas dire que les promoteurs de l’hôtel Times ou les élus municipaux de Sherbrooke ne prêchent pas par excès d’innovation ou d’esthétique. La façade extérieure de l’immeuble nous ramène aux pires exemples d’architecture des 40 dernières années. Il n’y pas beaucoup de place à de la fantaisie dans la tête de ces gens-là; à l’image de la King Ouest et du boulevard Bourque: de banales boîtes carrées ou rectangulaires, tristes à mourir. Au loin, il apparaît évident que le type de fenestration de l’hôtel absorbe toute la chaleur solaire, ce qui doit se manifester dans l’usage de l’air conditionné. Nous sommes en 2010, pas en 1970. Rien dans cet immeuble ne comprend quelque avancée en matière environnementale. Pourtant, il existe quantité de matériaux et de méthodes pour faire en sorte que des parois tant opaques que vitrées puissent servir à capter l’énergie solaire et en produire de l’électricité. Avec des surfaces aussi grandes et une exposition hors pair au soleil et aux quatre vents, on aurait pu aussi intégrer de petites éoliennes sur le toit de l’immeuble. D’autres aspects pourraient être traités avec un peu de temps et de réflexion.
Le centre-ville de Sherbrooke ne paie guère de mine. « La Main » est peu conviviale. La rue Wellington Sud est un bel exemple de folklorisation d’une rue commerçante. Pourtant, c’est ce type de rapport à la rue qui est le plus intéressant. Partout. La rue King Ouest, en cela, rejoint les boulevards Taschereau à Brossard, des Laurentides à Laval, Laurier à Québec en terme de désintégration urbaine en une espèce de schizoïdie du rapport à l’existence où l’automobile sert d’habitacle et d’armure à l’individu qui n’a plus le temps de vivre et qui doit faire une folie de kilomètres pour retourner à son bungalow. Ce scénario d’aménagement du territoire qui dure et perdure est très intrigant.
On a déjà parlé dans Entrée libre de la disparition du dépanneur. Ce n’est pas que la disparition du dépanneur, mais la disparition de la fabrication de villes à échelle humaine pour les remplacer pour des villes soi-disant fonctionnelles, sans âme, de Beijing à Dubaï, en passant par Sherbrooke qui va chercher son inspiration on ne sait pas où.