Séparer la vengeance haineuse de la justice
Autre adaptation réussie d’Alexandre Dumas1 confiée à Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte par le producteur Dimitri Rassam, le Comte de MonteCristo présente le fort dilemme du héros Edmond Dantès qui tente de toutes ses forces de séparer la vengeance haineuse de la justice. Quel thème explosif d’actualité à explorer, pendant qu’on déplore des massacres génocidaires à Gaza qui débordent en Cisjordanie et au Liban par inaction honteuse des pays de l’OTAN : ils abandonnent l’UNRWA malgré les cris de détresse du Secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, et en profitent en outre pour vendre honteusement leurs armes au « criminel de guerre » (selon le Tribunal international de LaHaye) Nétanyahou, ivre de vengeance post 7 octobre, au point d’abandonner ses otages, de frapper jusqu’en Iran et de risquer de provoquer une guerre mondiale ! Et ce pari sanguinaire le fait remonter dans les sondages en Israël et recevoir davantage d’armes de Biden-Harris, la seule de leurs actions applaudie par Trump-Vance.
Le Devoir qualifie la vengeance de Dantès à la manière des réseaux sociaux
François Lévesque propose une interprétation du film inspirée par les réseaux sociaux fielleux en la sous-titrant « une vengeance épique : « si Dantès complète sa vengeance, ce sera au prix de son humanité. Et il ne vaudra alors guère mieux que son ennemi. Quand on garde cela à l’esprit, la résolution douce-amère s’avère vraiment satisfaisante. »
Ce commentaire ne semblerait-il pas mieux adapté au feuilleton télévisuel ayant aussi connu un immense succès il y a six ans, malgré son côté romanesque flamboyant en toc, piloté par Josée Dayan qui n’avait que des bons mots pour son héros joué par Gérard Depardieu ? Cette adaptation a néanmoins laissé un arrière-goût altéré par une accusation – mais pas encore condamnation – d’agression sexuelle.
Si le film suit certaines traces du feuilleton, par exemple en aménageant un subtil suspens par de nombreuses et plausibles infidélités au roman, il joue sur un tout autre registre, prenant le temps de combler certaines invraisemblances : par exemple en nous faisant rencontrer le codétenu du château d’If, qui va équiper le jeune marin naïf de ses immenses connaissances historiques, mathématiques et sociales (secret des solidarités amicales). Lorsqu’il gagnera audacieusement sa liberté, ses valeurs égaleront l’immense trésor des Templiers de l’île de Monte-Cristo dont lui a été révélé l’emplacement secret.
Une jeune génération féminine
Louons néanmoins l’appré-ciation très positive du film par le critique du Devoir qui nous régale de sa connaissance des hauts-faits d’armes du directeur photo québécois, Nicolas Bolduc. Mais pour ma part, Edmond Dantès/Pierre Niney semble constamment lutter afin de préserver son humanité dans ses confrontations avec la femme qu’il aime toujours et qui saura le préserver des aspects révoltants de la vengeance-machination qu’il a ourdie dans sa quête de justice et qui reçoit l’aide providentielle de trois jeunes : entourant le héros, ils ont chacun, chacune pour deux d’entre elles, leur raison personnelle de suivre aveuglément le justicier, sauf un qui le dépassera en haine funeste dans sa mission vengeresse.
Le Devoir la percevrait-elle dévastatrice, parce qu’elle l’est pour la société royale corrompue par trois scélérats de la finance, de la justice et de la politique (qui plus est, un ex-militaire) ? Le comte de Monte-Cristo va s’appuyer sur un Britannique pour démolir d’abord la fortune de l’armateur à l’aide de compagnons solidaires ; contre le deuxième salaud, il dévoilera un « infanticide » doublé du mensonge à la mère que son bébé était mort-né. Pour le troisième coupable, son humanité préservée lui fera d’abord renoncer à se venger de son fils parce qu’il l’a (ou quoiqu’il l’ait) procréé avec son ex, bien jouée dans ses deux âges de vingt et quarante ans par Anaïs Demoustier. Elle est crédible en mère qui l’implore d’épargner ce fils très beau, joué par Vassili Schneider, le quatrième de cette mythique dynastie d’acteurs québécois. Il est l’amoureux de celle que le Comte a sauvée des griffes du sultanat, un personnage ajouté par l’imagination fertile des deux scénaristes pour établir une équation égale, 3 jeunes générations contre 3 vieilles crapules. Ces trois combats ne se décideront pas sans perte, ce qui contribue intelligemment au suspens tout au long des trois heures du film, altéré par une musique pompeuse qui l’alourdit : à moins que ce fût un subterfuge pour nous faire apprécier le fragile trio choral accompagnant le mariage raté des deux amants innocents du début du film et les mélopées turques émouvantes de l’ex-captive ?