L’argent est à l’origine de bien des drames familiaux. L’histoire de Nathalie et Maxime n’échappe pas à ce triste constat. Leur séparation fut le fruit d’une violente querelle et d’un manque évident de savoir vivre. Cette histoire pourrait être celle d’un ami, d’une connaissance, d’un parent. Lisez-la de près. Voici de quoi il retourne.
Est-il une plus malheureuse condition que la pauvreté? C’est le drame que doivent vivre quotidiennement des centaines de milliers de citoyens et de citoyennes. Pour une raison obscure, Maxime a abandonné ses études alors qu’il n’avait pas encore de diplôme en main. Il se disait rebelle. Il n’a jamais réussi à se trouver une bonne job adaptée à ses aptitudes. Son instabilité l’aura totalement miné socialement. Pour toute balise, il ne touche qu’un chèque d’aide sociale.
Il partage secrètement son logement avec son amie, Nathalie, elle aussi sur l’aide sociale. Officiellement, cette dernière habite chez sa mère, mais dans les faits, elle passe son temps avec Maxime.
Pour joindre les deux bouts, les deux rêveurs font des prouesses administratives exceptionnelles, finalement accablantes. Une dépense incontournable a lieu dès le début du mois: le logement. Ce poste budgétaire payé, il ne reste à peu près plus rien pour les autres frais, pourtant eux aussi essentiels. Chez Maxime et Nathalie, on se prive de tout: pas de téléphone, ni d’Internet, ni de télévision. Leur radio est la seule interface médiatique entre eux et le vaste monde.
Par une belle journée du mois de juin, Nathalie flânait dans un parc de son quartier. Il était agréablement fleuri de talles de rosiers et de lys sauvages. Au centre, il y avait un étang où une fontaine déversait son courant d’eau fraîche sur une rocaille de grosses pierres disposées avec ordre. Pour l’amusement des passants, la municipalité avait fait ensemencer ce bassin naturel d’eau pure de petits poissons rouges. Les enfants s’amusaient à leur offrir des morceaux de mie de pain. Les petites bêtes s’en emparaient avec la vitesse de l’éclair.
Des bancs de bois étaient disposés le long de deux haies de chèvrefeuille. Ces barrières naturelles étaient entretenues avec grands soins puisqu’elles définissaient les limites du jardin.
Au pied du muret encerclant l’étang, sous une couverture de feuilles mortes et de menus débris, Nathalie aperçut par hasard une enveloppe en papier brun. Sur cette enveloppe, qui semblait dater du siècle dernier, était inscrit, en lettres noires, un SOS voilé par l’humidité. Intriguée, Nathalie s’assoit sur un banc du parc et ouvre la missive.
— Au porteur de cette lettre, put-elle lire, j’ai besoin d’aide. Venez me sauver au 693, rue de l’Érable.
Dans cette enveloppe, une liasse de billets de banque pour une valeur de plusieurs milliers de dollars complétait l’appel de détresse. Sans hésiter, Nathalie court retrouver Maxime.
— J’ai trouvé une lettre par terre dans le parc. Elle contient beaucoup d’argent. Beaucoup, beaucoup d’argent. Nous devons le rendre.
Maxime s’y oppose fermement. Qui trouve garde, dit-il. Au diable la rue de l’Érable. Mêlant l’exubérance à la nervosité, il commence à s’animer.
— Cet argent est à nous. Il faut me le donner, menace-t-il en élevant le ton.
— Cet argent ne nous appartient pas, réplique Nathalie.
Sur ces mots Maxime saisit sa blonde par le bras.
— Allez, donne, crie-t-il.
Maxime est aveuglé par la perspective d’être riche. Il est saisi d’un coup de folie. Il se met à brasser Nathalie. Il la gifle. Il l’agrippe par les cheveux et la secoue intempestivement. Il lui fiche toute une raclée. Il cherche à mettre la main sur la liasse d’argent. Dès qu’il la trouve, il se calme. Nathalie pleure. Comment Dieu est-ce possible? Son visage est taché d’ecchymoses. Son corps tout entier est courbaturé. Sans dire un mot, elle quitte le logement conjugal. Elle rentre directement chez sa mère et porte aussitôt une plainte contre son ex pour agression et voie de fait grave avec coups et blessures.
Maxime fut jugé et puni. Nathalie ne lui adressa jamais plus la parole. Cette agression la traumatisa profondément. Sa personnalité elle-même fut dénaturée. Elle devint tourmentée. La brutalité laisse des traces. Tout ça, pour une chicane d’argent.
Maudit argent.