20 septembre 2022, je me rends, pour la première fois de ma vie, dans une conférence de presse. J’arrive là-bas, y mouillait, y faisait pas beau. En y allant, j’étais nerveuse, j’me sentais pas prête. Mais, devant ces militant.es assoifé.es de justice sociale, je n’ai pu que ressentir la chaleur du moment.
C’était une conférence de presse portant sur la justice sociale en saison électorale organisée par cinq regroupements estriens d’organismes de défense des droits et d’action communautaire autonome (CAFE, ROC-Estrie, SPE, TACAE et TROVEPE). Nous pouvions ressentir la conviction qu’iels avaient qu’il existe des solutions. Qu’il est encore temps d’agir pour une société plus équitable. J’étais fière. Fière du communautaire.
J’ai été émerveillée de les entendre, de les voir, encore debout, fidèle à ce qu’iels défendent, ayant encore le cœur au combat, malgré tout. Même si la politique adoptée en 2001 de reconnaissance et de soutien de l’action communautaire censée favoriser son autonomie s’est révélée devenir une mesure de gestion du social. (Lachappelle, 2015) (1) De sa néo-libéralisation à sa régularisation, le domaine du social s’est vu dénaturé par l’épistémologie occidentale. Vous savez, celle qui place l’homme blanc on the top of the world. Au fil des années, des décennies, cette néo-libéralisation à commencer à se faire sentir dans l’action communautaire, ne serait-ce que par l’esprit de compétition présent entre les organismes pour l’obtention du financement pour un tel ou tel autre projet. Une hiérarchisation des causes à soutenir selon la mode du moment s’est instaurée dans certains milieux. Ça, dans mon communautaire, ben ç’a juste pas sa place. Quel soulagement de voir que dans le leur non plus.
Le message que les participant.es ont présenté est important pour toute la société. La justice sociale n’est pas une aspiration réservée aux pauvres, aux personnes racisées, aux femmes ou aux personnes en situation de handicap. Ça inclut tout le monde… Au même titre que tout le monde subit les revers des injustices sociales…
C’est pourquoi le manque de financement du communautaire ne touche pas uniquement les travailleuses/travailleurs ou les personnes issues de populations marginalisées qui fréquentent régulièrement ces services. La pandémie nous l’a démontré : nous sommes toustes concerné.es. Car, comme l’a écrit René Lachapelle (2015), « […] la force du communautaire a été et demeure son action politique, son enracinement dans la communauté. Son avantage est son implantation dans les milieux : les groupes communautaires sont connus, accessibles, et ils offrent des services immédiatement, sans liste d’attente, ou plus rarement. » (Lachapelle, 2015)
Je n’ai pas eût la chance de parler avec toutes les personnes présentes, mais j’ai pu parler avec Marilou Lépine-Gougeon de la Table Ronde des OVEP de l’Estrie. Une chose qu’elle m’a dite m’a particulièrement heurtée. Pourtant, il ne s’agissait que d’une évidence : J’aime ça les campagnes électorales, c’est le seul moment de l’année où on nous écoute. Dois-je rappeler que lorsqu’il est question d’élection, une année en vaut quatre ?
À bien y penser, c’est plutôt le contraste entre la gravité de cette allégation et l’assurance de Marilou qui m’a frappée. Comment ne pas l’être face à une femme qui continue de se tenir debout et à militer pour ce en quoi elle croit. Devant une femme qui ne se laisse pas intimider, et ce, même si elle sait que le financement du milieu communautaire découle d’un gouvernement qui priorise ses intérêts à lui, ici et maintenant. Un gouvernement pour qui de travailler en partenariat se limite à vouloir dire une « collaboration » qu’une fois au quatre ans.
La lutte pour la justice sociale au Québec n’est toujours pas terminée, même si on est « mieux que là-bas», ou qu’on est « moins pire qu’ailleurs », y reste du travail à faire ! Étant une mère, ce que je veux pour mon enfant, c’est pas l’moins pire, c’est l’meilleur ! C’est pour ça que j’en appelle à un soutien collectif du communautaire.
Bien au-delà des slogans entrainants, il me semble avoir quelque chose de poétique dans le militantisme. J’ai l’impression que ça suscite en moi une émotion poétique ou, comme la nomme la philosophe française Carole Talon-Hugon, une émotion esthétique. Selon elle, « [a]lors que l’émotion ordinaire nous attache à nous même, l’émotion esthétique nous en détache. Elle nous délivre de notre être individuel.» (2) Ça fait du sens, non ?
La justice sociale est un sujet qui a sa place en saison électorale et c’est pourquoi je tiens à féliciter nos militant.es estrien.nes pour cette initiative.
Pour en savoir davantage sur la justice sociale en saison électorale, sur comment les différents enjeux sociaux en sont concernés, je vous invite à aller voir leur série de courtes vidéos dans lesquelles sont posées des questions à plusieurs candidat.es estrien.nes concernant les enjeux environnementaux, féministes, de pauvreté et, sur le financement du milieu. En plus, vous allez voir, c’est encourageant ! À les entendre parler, toute la gang est pour la justice sociale ! Vous n’avez qu’à cliquer sur le lien ci-dessus :
1. Lachapelle, R. (2015). Les groupes communautaires: vers un changement de paradigme? par Jean-Pierre Deslauriers. Québec: Presses de l’Université Laval, 2014. Canadian Social Work Review/Revue canadienne de service social, 32(1-2), 207-210. 2. Carole Talon-Hugon enseigne l’esthétique à l’Université de Nice. Auteur de Goût et dégoût, l’art peut-il tout montrer ? (Jacqueline Chambon, 2001), elle vient de publier un Que sais-je ? consacré à l’esthétique aux Presses universitaires de France. | |