La théorie de la Terre plate est fréquemment invoquée pour se moquer des thèses plus que révisionnistes de certains mouvements « complotistes ». C’est l’exemple parfait pour invalider la crédibilité du jugement de ces personnes, et les médias de masse ne se privent pas de l’utiliser jusqu’à la carricature. Et si le fait que la Terre soit ronde nous apparait l’évidence même, il est bon de rappeler que ceci a été démontré dès l’antiquité et que sa circonférence a été calculée en Égypte avec une précision tout à fait acceptable pour l’époque par Ératosthène (276 – 174 av J.C.) à l’aide d’un bâton et d’un peu de géométrie niveau secondaire.
Si nous ricanons des hurluberlus de la Terre plate, les sourires se crispent lorsque l’on évoque les limites physiques de la Terre. La perte de biodiversité, qui se concrétise par la diminution des populations ou l’extinction des espèces vivantes de toutes sortes, est majoritairement due à l’artificialisation des sols : des power-center construits sur les terres agricoles ou les milieux humides, à la déforestation en Amazonie ou en Indonésie pour installer la monoculture du soja ou du palmier à huile. La communauté scientifique est sans équivoque sur le réchauffement de la Terre du fait des émissions de CO2 et autres GES liés à notre activité. Les conséquences du réchauffement sont graves, et le discours glaçant du secrétaire de l’ONU Antonio Guiteres en ouverture de la COP27 ne laisse pas de place au doute : « nous sommes sur une route vers l’enfer climatique avec le pied sur l’accélérateur ».
Du point de vue des ressources maintenant, là aussi le constat est alarmant. L’Agence internationale de l’énergie estime que le pic de production de pétrole conventionnel (soit environ 75% de la production mondiale, hors sables bitumineux et pétrole de schiste) a atteint son pic de production en 2008 et est en déclin inexorable depuis. Pour le pétrole de schiste des États-Unis, l’AIE estime son pic autour de 2018. Dans les mines, le pourcentage de minerai par kilogramme de roche excavée diminue, demandant encore plus d’énergie pour produire 1 kg de cuivre, d’aluminium ou de fer. L’ensemble de ces faits et de ces données sont la description de la réalité physique du monde actuel. Ils sont la représentation d’une Terre ronde, qui possède des limites physiques indépassables, même en tapant du pied. Refuser ces données et leurs conséquences, c’est croire à la Terre plate. Et visiblement, cela touche bien plus de personnes que l’on aurait pu le croire spontanément.
On fait une Coupe du Monde de football au Qatar, offerte par l’institution corrompue qu’est la FIFA, dans 7 stades neufs et climatisés. L’enjeu n’est pas d’organiser une compétition sportive mondiale, la culture pourrait être le dernier bastion où les émissions de GES sont acceptables, et le sport fait partie intégrante de la culture. Mais gaspiller autant de ressources précieuses pour du soft power et des valises de cash, voilà l’hérésie et le scandale.
Et il est clair qu’elle ne tourne plus droit
À Sherbrooke, on continue de discuter d’une ligne d’avion entre Sherbrooke et Montréal, pour quelques happy few qui tentent de nous convaincre que c’est pour notre bien qu’ils militent pour cela. Faire avancer l’idée (et l’investissement associé) d’une ligne de train est constamment dénigrée. Le discours de réélection du Premier ministre F. Legault pour « développer l’économie verte » date déjà de 20 ans, à la grande époque du greenwashing qu’a été le « développement durable » qui n’a fait que dire en substance : « oui, je prends soin de l’environnement, sous ma dalle de béton ».
Les changements climatiques, la diminution des ressources, tout ceci se passe actuellement et concrètement. Nous serons amenés à changer l’ensemble de nos modes de vie et de production, de grès ou de force. On peut toujours « croire », au petit Jésus comme à la technologie salvatrice, mais la réalité physique du monde est que : les ressources s’amenuisent; elles ne sont pas suffisantes pour faire rouler 1,28 milliards d’auto électriques; les changements climatiques remettent en cause nos moyens de production agricole; l’agriculture, la médecine et les technologies à mettre en place pour décarboner nos productions (éolienne, hydroélectricité, photovoltaïque…) ont besoin d’hydrocarbures.
Le Terre est plate, la Terre est ronde? On s’en fout : pour nous, la Terre est infinie.
