L’Homo sapiens est une espèce fascinante, marquée par des comportements parfois déroutants. Une grande partie de son existence est consacrée à une quête incessante : travailler pour accumuler des biens, qui finissent soit entassés dans leurs maisons, soit dans d’immenses dépotoirs.
Parmi les priorités de l’Homo economicus, les voitures occupent une place centrale. Une part importante de ses revenus y est consacrée, notamment à des modèles toujours plus imposants, rapides et couteux. Pourquoi ? Il semblerait que « le temps, c’est de l’argent ». Pour certains, ces véhicules servent aussi à renouveler leur statut social, comme une sorte de mue annuelle. Acquérir la dernière voiture devient un symbole de réussite, une manière d’affirmer son rang dans la hiérarchie sociale. Et bien sûr, il est de bon ton de féliciter chaleureusement les heureux propriétaires de ces acquisitions.
Mais l’Homo sapiens ne s’arrête pas aux voitures. Son appétit pour la possession est insatiable. Prenons les souffleuses, par exemple : ces appareils munis de lames rotatives qui repoussent la neige. Dans une rue, il y en aura pratiquement autant que d’habitations. Ajoutons à cela les perceuses (deux ou trois par foyer), les tondeuses, et bien sûr, les voitures (souvent deux ou trois par maison). Cet amour des objets semble sans fin.
Cependant, ce qui capte véritablement leur cœur, ce sont les écrans. Ah, les écrans ! Téléviseurs, ordinateurs, portables, tablettes, consoles de jeux, et cellulaires… Ils en raffolent. Certains passent plus de dix heures par jour devant ces surfaces lumineuses, jonglant souvent entre plusieurs d’entre elles simultanément. Il n’est pas rare de voir un Homo sapiens regarder un film sur son téléviseur tout en parcourant son téléphone, créant une sorte de mise en abyme numérique. Ironiquement, ils raffolent aussi des films de zombies. Peut-être y voient-ils un miroir de leur propre condition ?
Fait intéressant, l’Homo economicus est d’une remarquable cohérence. Puisqu’il adore posséder et consommer régulièrement, il a inventé des concepts comme la mode éphémère et l’obsolescence programmée, qui assurent un flux constant de nouveaux biens à acheter. Une minorité bien sûr, plus « primitive », préfère réparer leurs biens. Ces irréductibles semblent ignorer que « le temps, c’est de l’argent ». Certains vont même jusqu’à brandir des bouts de bois pour protester, prétextant que l’on épuise les ressources de la planète. Mais ces marginaux restent une exception.
Un autre moyen astucieux développé par l’Homo economicus pour produire davantage et satisfaire l’insatiable appétit des consommateurs est la création de zones franches. Dans ces espaces, la production échappe aux contraintes imposées par les États, qu’il s’agisse des normes environnementales ou des droits du travail. Cette stratégie permet non seulement de réduire les couts, mais aussi d’engranger davantage de profits tout en inondant le marché de biens en tous genres, accessibles à un plus grand nombre.
Toutefois, une minorité intrigante, perçue comme plus « primitive », dévie de ce mode de vie. Ceux-là optent pour une sobriété presque archaïque : ils marchent pour se déplacer et, pour les plus sophistiqués, utilisent la bicyclette. Bien que marginaux, ces choix mettent subtilement en question le modèle dominant, comme un écho lointain d’un mode de vie oublié.
Lorsqu’il vient le temps de leur rituel démocratique, une étrange pratique où ils tracent des X sur des morceaux de papier, la majorité des Homo economicus réélit sans faillir le gouvernement qui leur promettra une croissance économique. Cette croissance leur permettra non seulement de rembourser la voiture achetée à crédit, mais aussi de continuer à nourrir leur insatiable appétit pour la consommation et la possession de biens.
L’Homo economicus, dans sa quête effrénée de possessions et de croissance, trace un chemin semé d’excès et de contradictions. Son modèle, bien qu’omniprésent, semble pourtant vaciller sous le poids de ses propres incohérences. Peut-être qu’un jour, lorsque ses ressources seront épuisées ou que ses souffleurs de feuilles resteront silencieux, l’Homo economicus se tournera vers d’autres voies, plus sobres, plus durables. Mais en attendant, il continue à courir, toujours plus vite, sans jamais vraiment savoir où il va.