FÉLIX ET LE TRÉSOR DE MORGÄA

Date : 24 février 2021
| Chroniqueur.es : Souley Keïta
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Une critique sans trop divulgâcher.

Le moins que nous puissions dire est que le temps est une aventure, la vivre en ce moment au cinéma est un délice. Ce même délice artistique qui nous manque depuis bien longtemps et dont nous avons peu profité au cours des derniers mois. Nous allons pouvoir de nouveau marcher à tâtons dans ces salles pour nous évader le temps d’une aventure, d’une histoire, d’un foisonnement d’émotions, à travers des personnages haut en couleur, au-delà des sons mélodieux, dans ses innombrables lieux inconnus. Quoi de mieux qu’un film d’animation, qui va satisfaire tous les publics, jeunes ou moins jeunes. 

Je ne cesserai pas de dire que les belles facettes du cinéma québécois sont nombreuses mais que parfois certains genres sont boudés, entre autres le documentaire, mais que dire de l’animation. Au vu du nombre de sortie par année, cela devient un miracle, d’en avoir au moins un par an. En ce début d’année, nous avons le plaisir de voir Félix et trésor de Morgäa de Nicola Lemay, un premier long-métrage plaisant et pour lequel on s’empresse de partir à l’aventure. Une aventure que nous fera découvrir le jeune Félix, qui partira, avec le vieux marin Tom, à la recherche de son père Jack, disparut en mer deux ans plus tôt. Une quête qui nous amènera à découvrir les mystères d’une île et du trésor de Morgäa. Il également plaisant de voir dans ce 1h24, le réalisateur jongle autant avec notre âme de grand enfant et notre côté adulte, nous amenons à profiter pleinement de cette œuvre, une perspective bien amenée qui fait parfois défaut à certains films d’animation en traumatisant les parents. Je vous rassure, nous passons un bon moment avec ce scénario de Marc Robitaille (Un gars, une fille, mais également avec Gabriel Lessard, Karine Vanasse, Guy Nadon, Marc Labrèche qui prêtent leur voix à Félix, Morgäa, Tom et Klaus.

Entrée Libre a pu poser quelques questions au réalisateur Nicola Lemay avant la sortie de son film ce vendredi 26 février :

Souley Keïta : Il est plaisant de parler cinéma et de voir (enfin) des animations, ce qui parfois fait défaut au Québec, avant de parler de votre film, qu’il est votre ressenti sur votre œuvre québécoise qui coïncide avec l’ouverture des cinémas.

Nicola Lemay : C’est tellement rare, trop rare d’avoir des films d’animation au Québec. (Les derniers étant La Course des tuques de François Brisson et Benoît Godbout, ainsi que Ville Neuve de Félix Dufour-Laperrière en 2018)

Nous sommes très fébriles avec le contexte de la Covid, c’est un peu inespéré cette sortie cinéma, donc c’est un beau cadeau, car je me sens extrêmement choyé et privilégié. J’avoue qu’avec ce contexte j’avais mis une croix là-dessus, je comprenais les conditions difficiles et de façon inopinée, avec la réouverture des salles, le distributeur a décidé de mettre notre film en avant avec la semaine de relâche. Les astres se sont alignés, même si c’est une ouverture partielle et limitée, je suis extrêmement heureux et comme tu le mentionnais à chaque film d’animation québécois qui sort, c’est un miracle, donc je suis très content que nous ayons cette belle vitrine prestigieuse.   

Souley Keïta : Félix et le trésor de Morgäa ne se veut pas uniquement un film d’animation pour enfants, mais vraiment une œuvre où tout le monde, parents et enfants, trouve son compte. Cela était-il important de rassembler? 

Nicola Lemay : C’est avant tout un feel good movie, un film chaleureux et rassembleur avec de belles thématiques. C’était le mandat que l’on s’était donné, celui de faire un film familial, d’où le fait d’aller chercher quelqu’un comme Marc Robitaille (scénariste du film). J’avais fait une petite histoire très sommaire en établissant les grandes lignes, mais je voulais un cinéaste qui raconte de vraies histoires ressenties et avec de vraies émotions, Marc a amené toute cette dimension. Après cela a été tout un jeu d’équilibre, de dosage, pour que l’on puisse avoir un film réellement pour toute la famille. C’est cliché, mais ce film a pour but de ne jamais perdre les enfants tout en essayant en même temps de s’adresser, aux adultes, aux parents qui sont dans la salle pour que l’on ait un beau film familial et rassembleur. Ce jeu d’équilibriste se traduit notamment dans le fait de garder le point de vue de Félix puis parfois d’avoir celui de Tom, Morgäa et Potvin pour comprendre un peu ce qu’il se passe chez les grandes personnes et puis on revient à Félix. 

Souley Keïta : À travers votre langage cinématographique, on insiste beaucoup sur le fait de protéger, et de cacher certaines choses aux enfants, pourtant ce sont eux, dans le film, qui font preuve des choix assumés. Était-il important pour vous de montrer que les choix déterminés ne sont pas que les bénéfices des adultes? 

Nicola Lemay : Oui, exactement. Dans ma première version, que j’avais faite sommairement, c’était son père Jack qui était tenté par un vrai trésor et c’était Félix qui le ramenait à la raison. Son père était tombé dans les virages de la richesse et c’est l’enfant qui n’a pas de cupidité qui ramène l’adulte à l’essentiel, en lui faisant comprendre que la richesse est autre, notamment familiale. Que ce soit l’argent ou l’immortalité, recherché par les adultes Jack (père de Félix) ou Tom (le vieux marin), Félix va les ramener à la réalité et aux vraies valeurs.

Souley Keïta : Il y a également ce qui fait défaut à cette jeunesse : la patience, l’écoute, mais également, de ne pas prendre tout pour acquis… Il y a tout de même un « clash » entre ces deux âges.

Nicola Lemay : J’aime beaucoup les contrastes, même dans la musique, comme la musique classique, avec ses mouvements rapides et ses mouvements lents, donc les contrastes entre un très jeune personnage et un très vieux personnage donnent beaucoup de matières à travailler et puis, autant dans l’image, la lumière, la photo, on aime jouer avec les clairs et les obscurs, autant dans le narratif, on aime jouer avec cette dualité. C’est vraiment intéressant à travailler.

Souley Keïta : On parle parfois peu du son dans les interviews, peut-on parler du travail sonore et du travail sur les bruitages, car je pense que les gens vont se régaler sur cette facette du film.

Nicola Lemay : C’est la première fois que je travaillais avec Jérôme Boiteau (Conception sonore) et Gilles Léveillé (Composition musicale), nous nous sommes bien compris, surtout pour une animation où le son peut parfois jouer un côté « cartoon », peut jouer un côté dramatique. Nous voulions également démêler ce qu’on laisse au son, ce qu’on laisse à la musique et également au silence. Nous avons rapidement su nous entendre, car nous ne voulions pas de la musique mur à mur ni de la musique surlignée du début à la fin. Je crois beaucoup au silence dans les moments intimes donc il fallait trouver un équilibre entre ces trois éléments. Pour le son, nous avions en idée le « cartoon » réaliste, avec Jérôme nous avons beaucoup exploré certaines déformations du son, à un moment donné nous coupions court, car nous étions rendus trop loin. On ne pouvait pas allait trop loin, dans les vieux sons des Bugs Bunny ou des Warner Bros, parce qu’on effritait nos besoins de vraisemblances. Jérôme a su bien s’arrêter pour avoir par moments des sons plus comiques ou par moments des sons sobres. Pour la musique, c’est un peu la même chose, Gilles est un musicien d’expérience, il a lui-même été extrêmement modeste dans sa quantité de musique proposée. Il n’a pas eu le réflexe de m’en proposer trop, au contraire, j’ai même dû parfois lui demander quelques petites reprises (rires). Gilles est capable de reconnaître les moments où la musique doit être bien placée. Je suis extrêmement heureux du résultat sonore et de la collaboration entre nous trois. Nous avons une musique épique qui vient vraiment donner un souffle au conte sans trop en mettre. 

Souley Keïta : Les apparences… Est-ce que Félix et le trésor de Morgäa, ce n’est plus se fier au paraître, mais accepter l’être, de pouvoir verser sa larme, d’accepter sa sensibilité et faire accepter sa différence, mais également l’évolution du temps et des mœurs?

Nicola Lemay : Tom est un vieil ermite, un vieux garçon pour qui les choses doivent être à leur place. Il a une conception de l’ordre et du monde, ce qui, comme on le disait tantôt, amène au « clash » générationnel. Ce monsieur avec sa mentalité d’une certaine époque et pour qui un garçon ne pleure pas, ne doit pas étaler ses émotions, va finalement évoluer. C’est quelque chose que l’on ne voyait pas souvent dans les films d’animation, des enfants qui pleurent. Je ne sais pas si cela était par pudeur, j’ai pu le voir dans les dernières années. Pour ce film, c’était assez évident que Félix est un garçon assez émotif, très déterminé, très courageux, mais aussi très sensible.

Une aventure épique à vivre et à revivre dans l’enivrante Maison du Cinéma dès ce vendredi.

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