Dans le débat sur la hausse ou le gel des droits de scolarité, plusieurs arguments sont avancés de part et d’autre. Les associations étudiantes insistent sur l’accessibilité, tandis que les recteurs martèlent que les universités québécoises ont besoin d’argent pour rester compétitives.
Pour Guy Laperrière, professeur d’histoire à l’Université de Sherbrooke, les deux parties défendent très mal leur point. En 2008, M. Laperrière avait ajouté son grain de sel au débat en proposant que les salaires des professeurs soient diminués. En entrevue avec Entrée Libre, il dit ne pas avoir changé d’idée. Et il en rajoute.
« Les universités ont beaucoup d’argent, c’est seulement qu’elles le dépensent mal », commence-t-il au bout du fil.
Comme en 2008, il en a particulièrement contre le niveau des salaires des professeurs. Il fait remarquer qu’à partir des années 80, ces salaires ont commencé à grimper sérieusement, alors que les salaires des enseignants des autres niveaux (secondaire et collégial) poursuivaient une ascension beaucoup plus modeste.
Aujourd’hui, un professeur d’université gagne plus de 120 000 $ par année au sommet de l’échelle salariale, tandis que le salaire annuel d’un professeur au collégial approche les 70 000 $.
Dans sa lettre de 2008, M. Laperrière énumérait aussi tous les avantages des professeurs universitaires : élèves plus motivés, tâches de recherche stimulantes, participation à des congrès à travers le monde, etc.
Il déplorait à ce moment que les universités aient réussi à convaincre le public qu’il n’y avait ni plus ni moins qu’une seule voie pour y parvenir : une hausse des droits de scolarité.
M. Laperrière, qui prendra sa retraite cet été, se fait pour sa part un devoir de souligner qu’il gagne trop. Il ne comprend pas pourquoi personne ne parle de freiner la hausse des salaires des professeurs, qui restent pourtant « le principal poste de dépenses » des universités. Pour lui, un professeur serait amplement rémunéré même s’il ne recevait que 100 000 $ par année.
Croit-il que la profession d’enseignant à l’université est trop valorisée? « Non. Le problème, c’est dans la manière de valoriser la fonction. » M. Laperrière semble en avoir soupé des argumentaires qui associent la qualité à l’argent. Comme si les meilleurs étaient toujours les mieux payés.
Mais est-il pour autant contre la hausse des frais de scolarité? Pour lui, les droits devraient grimper au même rythme que l’inflation. Il trouve cependant que les étudiants ont été maladroits en laissant les recteurs comparer le Québec au Canada anglais. « Ils auraient dû chercher à se comparer aux pays scandinaves, par exemple, où l’éducation est gratuite. »
Les arguments des recteurs lui semblent aussi pauvres. « Ça fait 15 ans qu’ils disent qu’ils manquent d’argent et que ça va affecter la qualité, rappelle-t-il. Aujourd’hui, si vous leur demandez si la qualité a diminué depuis 15 ans, ils vont répondre que non! C’est la preuve qu’ils n’en ont pas besoin. »
Et quelle a été la réaction de ses collègues à sa lettre de 2008? « Ça, c’est intéressant. En 1984, j’avais écrit le même genre de lettre, mais le courriel n’existait pas, donc je n’ai pas reçu de commentaires », relate-t-il. Cette fois-ci, il a reçu une quarantaine de courriels, « certains virulents, d’autres très enthousiastes ».
Une autre preuve que les temps changent : jamais il n’aurait cru qu’on allait encore avoir ce débat en 2011. « Quand j’étais étudiant dans les années 60, raconte-t-il, on pensait que les droits de scolarité, ça allait disparaître. L’école primaire et secondaire était devenue gratuite, de même que le niveau collégial… on pensait que ça allait être la même chose à l’université. »