Depuis plusieurs années, en Estrie et ailleurs, des gens, des travailleurs, font le choix du travail solidaire. Et le résultat est loin d’être banal. Selon le Portrait des entreprises d’économie sociale en Estrie, publié récemment par le Réseau des entreprises d’économie sociale de l’Estrie (REES-Estrie), le travail solidaire compte plus de 5 000 adeptes en Estrie, ce qui en ferait l’un des plus grands employeurs de la région.
Si l’on soustrait les quelque 1 800 employés du Mouvement Desjardins en Estrie, c’est tout de même plus de 3 000 emplois qui dépendent d’une multitude d’entreprises qui choisissent de se donner une mission sociale. C’est presque autant que la Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke et plus que le CSSS-IUGS, que Bombardier et que la Ville de Sherbrooke.
Mission sociale
La mission sociale, c’est ce qui distingue l’entreprise d’économie sociale (EÉS). La mission peut être de créer de l’emploi, comme dans le cas des coopératives de travail. L’entreprise, de plus de trois personnes, doit aussi avoir un processus démocratique formel pour la prise de décision. Mais surtout, ce qui distingue une telle entreprise, selon Cynthia Collette, coordonnatrice au REÉS-Estrie, c’est qu’« elle n’a pas comme premier but de faire des profits ».
Le Portrait produit par le REÉS-Estrie nous dit qu’une EÉS doit aussi « avoir comme finalité de servir ses membres ou la collectivité plutôt que de viser le rendement financier ». De plus, l’entreprise doit « avoir une autonomie de gestion par rapport à l’État, défendre la primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition de ses surplus et de ses revenus et fonder ses activités sur les principes de la participation, de la prise en charge et de la responsabilité individuelle et collective ».
Les entreprises d’économie sociale, les coopératives, existent depuis longtemps, mais connaissent une croissance marquée depuis les années 1980. Le mouvement a le vent dans les voiles. En Estrie, près de 30 % des entreprises présentes sur le territoire ont été créées depuis 2000.
Les EÉS, ce sont des entreprises comme Jouvence, Cooptel, le CPE Fafouin, le Boquébière, etc. et les caisses Desjardins en Estrie. Notons qu’une telle inclusion de Desjardins dans le calcul, par ailleurs défendable, gonfle artificiellement les chiffres. Par exemple, les actifs des 300 EÉS en Estrie s’élèvent à un exorbitant 5,1 milliards, dont 4,9 proviennent presque entièrement du Mouvement Desjardins. Cela dit, en Estrie, les EÉS génèrent tout de même un chiffre d’affaires de 226 millions, dont 50 millions dans la ville de Sherbrooke.
Avec 112 EÉS qui y génèrent plus de 2 000 emplois et des revenus d’environ 166 millions, Sherbrooke compte à elle seule pour près de 40 % du poids de l’économie sociale en Estrie.
Une « chambre de commerce »
Le REÉS-Estrie – qui a des équivalents dans plusieurs régions du Québec – a été mis en place en 2006 pour regrouper au sein d’une même structure l’ensemble des entreprises du territoire, de même que les organismes œuvrant à leur développement.
Le regroupement a été mis sur pied en vue de « créer un force de groupe » et pour fournir différents services. « C’est comme une chambre de commerce de l’économie sociale, mais aussi un outil de développement local », explique Cynthia Collette. Le groupe sert aussi, selon elle, à « démystifier » l’économie sociale.
Étonnement (ou peut-être pas tant que ça), le gouvernement québécois n’offre aucun incitatif à l’organisation collective du travail et à la formation d’EÉS. « Beaucoup de gens viennent nous voir pour savoir s’il y a des subventions pour le démarrage de ce genre d’entreprise », raconte Cynthia Collette. Selon elle, l’État québécois commence à peine à encourager des achats de ses ministères auprès d’entreprises d’économie sociale.
Les gens désireux d’adopter un tel modèle de travail solidaire ont néanmoins des ressources à leur disposition, outre le REÉS. La Caisse d’économie solidaire soutient les entreprises collectives en les conseillant et en leur proposant du financement. Elle dispose d’un fonds d’aide au développement du milieu qui participe, selon la Caisse, « à des projets porteurs d’innovation sociale, économique ou financière ». L’aide accordée se situe entre 2 000 $ et 10 000 $. Toutefois, la Caisse n’offre pas de financement pour le démarrage d’entreprise.
Bref, pour faire de l’économie sociale, il faut avoir la foi. Ça demande avant tout un engagement, et surtout, ajoute Cynthia Collette, « un bon ancrage dans le milieu ».