Escouade GAMMA: profilage politique ou gestion de la violence?

Date : 8 avril 2012
| Chroniqueur.es : Nastassia Williams
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Le 1er mai dernier, l’Escouade GAMMA (Guet des activités des mouvements marginaux et anarchistes) relevant de la division du crime organisé du service de police de la Ville de Montréal (SPVM) lançait ses opérations.

Cet été, cette initiative s’est traduite par l’arrestation de quatre leaders du mouvement étudiant, dont trois exécutants à l’Association syndicale pour une solidarité étudiante (ASSÉ). L’autre étudiant est impliqué dans l’Association des étudiants en Sciences humaines de l’UQAM. C’étaient là les premières actions officielles de l’escouade  officieusement en préparation depuis au moins deux ans.

Légalité, légitimité et intolérance

Le but de ce nouveau groupe policier est clair : lutter contre les mouvances les plus « turbulentes » des réseaux militants. Sur le site du SPVM, il est allégué que l’escouade n’est en fait qu’un simple projet non permanent visant à faire enquête sur les manifestations des 24 et 31 mars, de même que celles du 1er mai 2011. Rappelons que, lors de ces événements, les bureaux de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec et ceux du Ministre des Finances Raymond Bachand avaient été occupés; quelques accrochages avec les forces de l’ordre avaient eu lieu.

En réaction à la sortie de l’ASSÉ qui dénonçait récemment l’arrestation de ses militants ainsi que le caractère foncièrement politique de GAMMA, le SPVM a prétendu s’attaquer simplement aux actes criminels perpétrés dans certains contextes militants. Le corps policier se défend bien de vouloir cibler les mouvements de gauche en général. Toutes les communications du service de police exploitent de la même manière le filon légal : « On ne s’attaque pas aux penseurs, mais aux violents. » Pourtant, les militants arrêtés étaient avant tout des leaders politiques; ils n’ont pas été interceptés lors des manifestations, mais bien quelques mois après lesdites agitations.

L’avocate représentant les étudiants arrêtés, Me Véronique Robert, expliquait récemment les détails du dossier dans un article du magazine Voir : les étudiants ont été appréhendés à leur domicile ou se sont rendus par eux-mêmes aux services policiers; ils sont accusés – notamment – de méfaits, de voies de fait, de complot, de prise de possession d’un lieu par la force, d’introduction par effraction.

Le SPVM affirme vouloir s’attaquer à l’illégalité. Il faut cependant noter que la définition même de ce qui est légal ou illégal tend à se modifier avec le temps. Marc-André Cyr, étudiant au doctorat sur l’histoire des manifestations au Québec explique en entrevue : « Tout peut être illégal selon l’angle sous lequel il est observé. Nous commettons tous des actes illégaux, chaque jour. Pourtant, la police ne nous arrête pas à chacun de ces gestes. Il existe un espace de désobéissance normale […] En 1996, lors des grèves étudiantes, les occupations et les manifestations étaient tolérées à titre de méthodes légitimes de contestation. Aujourd’hui on attribue de plus en plus souvent ces actions à des actes criminels. Il est plutôt question ici de la tolérance au désordre. Il existe une dynamique de durcissement de l’attitude de la police. »

Durcissement et profilage politique

Au fil des ans, on a vu le nombre d’arrestations politiques augmenter de façon significative au pays. Depuis 2001, on compte plus de 4000 arrestations politiques au Canada. Cette intolérance marquée face aux contestations citoyennes a même fait en 2005 l’objet d’un blâme officiel de la part du Comité des droits de l’homme de l’ONU, qui condamnait la police canadienne – et plus précisément celle de Montréal – pour les arrestations de masse brimant ainsi la liberté d’expression et d’assemblée.

Nombreuses sont les voix dénonçant l’initiative du SPVM, l’associant à un projet politique visant à faire peur aux citoyens et à bâillonner les groupes critiques du capitalisme : selon Marc-André Cyr, les autorités travaillent à la construction d’un nouvel ennemi intérieur.

Francis Dupuis-Déry, professeur de sciences politiques à l’UQAM, expliquait récemment le phénomène dans un article publié dans Le Devoir : le profilage politique dont il est question ici est, selon lui, une « attitude discriminatoire des policiers en fonction de certaines identités politiques réelles ou perçues. » Il explique que « la police de Montréal s’en prend systématiquement à certains groupes de contestataires en raison de leur identité politique, c’est-à-dire en fonction de ce qu’ils sont, et non de ce qu’ils font dans une manifestation. »

Dans le contexte actuel, où la prochaine rentrée scolaire risque d’être ponctuée de nombreuses contestations liées à la hausse draconienne des frais de scolarité, il sera intéressant de suivre le phénomène afin de voir si ce durcissement est effectivement un mouvement de fond ou une mesure exceptionnelle. À suivre.

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