Le suspens n’a pas duré bien longtemps, et il allait donner le ton de la soupe à la grimace de la soirée électorale du 3 octobre. À 20 h 10 la messe était dite, et la tendance s’est maintenue toute la soirée avec un océan de misère caquiste noyant toute la province. Quelques ilots de résistance surnageaient ça et là de la carte électorale. Un dessin valant mille mots, le génial Ultranan résume parfaitement la situation du pays et de Sherbrooke (voir page de couverture
L’annonce du nouveau gouvernement Legault donne corps à son slogan de campagne : continuons pour encore quatre ans de politique de courte vue. Parce que c’est quoi au fond un gouvernement caquiste : la politique du chèque de ristourne, comme la pièce que l’on donne à l’ado pour tondre la pelouse et s’acheter une mobylette; sanctifier la primauté de la production industrielle sur la santé de la population, comme finalement l’ont confirmé les électeurs de Rouyn-Noranda; un ministère des transports qui va se concentrer pendant quatre ans à faire accepter le projet inutile du 3e lien à Québec plutôt que de nous proposer des solutions pour un transport collectif massifié. Ce qui est peut-être le plus inquiétant avec le large succès électoral de la CAQ, c’est qu’il met en évidence la fracture drastique qui existe au sein du pays entre la vision du monde portée par les Solidaires (et une partie des péquistes si on croit les déclarations de M. Saint Pierre Plamondon) et celle portée par plus de 40 % de l’électorat. Quatre ans ne seront pas de trop pour convaincre un nombre si important de personnes que le futur enviable n’est pas dans cette direction.
La réforme du mode de scrutin pourrait être un moyen de réparer cette fracture. Il était ironique de voir d’un seul coup se réveiller journalistes et commentateurs politiques sur l’existence d’une « distorsion du vote » alors que de nombreuses voix réclament un changement de mode de scrutin depuis plus de 10 ans. Mais ne soyons pas dupe de ce réveil tardif : la réalité des résultats de l’élection est que la CAQ serait tout de même majoritaire avec un mode de scrutin proportionnel (à moins qu’il ne soit intégral). Et pour donner de l’eau au moulin caquiste, avec 41% des voix alors que leur premier opposant en récolte 14 %, on peut légitiment penser que cette majorité est méritée et pas « distordue ». Il n’y a pas grand-chose à contester face à l’ampleur des chiffres et de la volonté du Québec de voir Legault et sa clique « continuer ».
Si notre famille de pensée politique a tendance à faire partie des vaincues de l’Histoire, la réélection de Christine Labrie à Sherbrooke doit servir d’exemple au fait que le travail paie, et qu’il n’y a pas de fatalité face à la politique du business as usual et la recherche du petit profit personnel. Il ne faut pas minimiser le résultat de Christine Labrie dans Sherbrooke. Alors que son élection il y quatre ans passait pour une surprise, sa réélection s’est faite dans une course à deux très difficile. Et Mme Labrie a vu son score de 2022 augmenter de plus de 3000 voix par rapport à 2018 avec une participation similaire. En face, la candidate de la CAQ a fait le plein des voix des « tous sauf les solidaires » – la CAQ passant de 23 % à 35 % des voix – mais cela s’est avéré un peu court comme programme politique.
La réalité sociale à Sherbrooke montre que les enjeux d’accès au logement, d’accès aux soins, d’accès à une qualité de vie descente et minimale dans un pays aussi riche que le nôtre, sont des combats qu’il faut continuer de porter, car ce mot n’appartient à personne. Ainsi, nous continuerons de donner la parole dans ces colonnes aux initiatives comme le projet « Champ d’actions » qui a permis de récolter et de transformer plus de 3 tonnes de fruits et légumes pour des personnes dans le besoin (voir p.11). Le journal continuera de publier des textes pour faire échec à la guerre économique et militaire (voir p.6), en assumant de porter une autre vision que le consensus belliciste qui règne sur les médias grand public quant au conflit entre la Russie et l’Ukraine (voir p.6). Le journal continuera d’être un espace de débat car, contrairement à l’opinion sur les promesses de transport à Sherbrooke (voir p.9), nous pensons pour notre part que Sherbrooke et le Québec se meurent d’une absence totale de projets ambitieux et nécessaires en transport collectif.
Encore quatre ans à ne pas se laisser faire!