LE 17 OCTOBRE PROCHAIN, COMME À TOUS LES ANS, C’EST LA JOURNÉE MONDIALE DU REFUS DE LA MISÈRE. CETTE ANNÉE, CETTE JOURNÉE PREND UNE TEINTE PLUS PARTICULIÈRE ENCORE. ON LE SAIT, ON L’A ENTENDU, LA CRISE SANITAIRE DANS LAQUELLE NOUS SOMMES PLONGÉ·E·S, ON NE LA VIT PAS TOUS ET TOUTES DE LA MÊME MANIÈRE.
Le « restez-chez-vous » qu’on nous martèle depuis mars, c’est pas mal plus facile à vivre pour les personnes qui en ont un, un chez-eux. Un chez-eux salubre, sécuritaire, avec une cour arrière, une connexion Internet et où on ne vit pas seul, mais pas non plus avec trop de monde au pouce carré, c’est d’autant plus plaisant. Sans dire que ce ne soit agréable pour personne, il serait ingrat de prétendre partager une solidarité ou une réalité commune.
Il ne faudrait pas non plus prétendre que la misère n’existe que depuis mars. Ou encore prétendre qu’on n’y peut rien, que c’est trop difficile, trop compliqué ou trop cher. Nous nous devons, collectivement, de demeurer alertes et de ne pas nous faire avoir par les discours de « il-ne-suffit que-de-relancer-l’économie-et-tout-ira-mieux-pour-tout-le-monde »… vive la création d’emplois!
L’affaire, c’est que ça n’allait pas bien non plus, dans le « avant ». Le marché de l’emploi, qui est considéré par plusieurs comme la seule manière de sortir de la pauvreté, se précarisait. Le nombre d’emplois à contrat, temporaire, au salaire minimum ou à temps partiel bondissait déjà. Ces emplois sont prisés des employeur·e·s, car ils permettent de ne pas offrir de protections sociales et diminuent leurs dépenses en salaire. Leurs travailleuses et travailleurs salarié·e·s, pour leur part, peinent ou n’arrivent tout simplement pas à sortir de la pauvreté. Le ratio de personnes sans emploi ayant accès au programme d’assurance-emploi est passé d’environ 90 % au début des années 1990 à moins de 50 % aujourd’hui. Ce chiffre chute même à 40 % pour les femmes et 17% pour les travailleurs et travailleuses autonomes, selon l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS, 2020).
Si l’emploi ne permet pas de quitter la pauvreté, alors pourquoi tous nos programmes sociaux sont-ils orientés de manière à en faire la seule porte de sortie? Les prestations d’aide sociale sont si basses qu’elles ne couvrent à peine que 49 % des besoins de base d’une personne seule (Collectif pour un Québec sans pauvreté, 2020). On considère qu’en les affamant ainsi, on les pousse à se trouver un emploi. Toutes les études disent pourtant le contraire : les prestataires veulent travailler et s’intégrer et, en leur donnant un montant suffisamment élevé pour y arriver, un plus grand nombre d’entre eux et elles pourraient s’en sortir. Pourquoi nos gouvernements refusent-ils donc l’évidence? On a les moyens de faire mieux. Amplement.
De la croissance économique, il y en a eu. Pourtant, c’est loin d’être tout le monde qui en a bénéficié. Depuis 1980, le 1 % le plus riche s’est accaparé de 27 % de notre croissance économique alors que le 50 % le moins nanti a, tou·te·s ensemble, dû se contenter de 12 %. Encore pire, un récent rapport d’Oxfam fait état que, récemment, 82 % de la croissance mondiale annuelle s’en était allée directement dans les poches du 1 % le plus riche (« Partager la richesse avec celles et ceux qui la créent », rapport sur les inégalités mondiales, Oxfam, 2018).
C’est ce qui nous attend si nos gouvernements s’entêtent à prioriser la reprise économique aux dépens de tout le reste. Accepter que des gens vivent dans la pauvreté dans un pays riche comme le Canada, c’est non seulement irresponsable, c’est carrément inhumain.
La mission de la Table est de lutter contre les causes de l’appauvrissement de la population estrienne.