Voici la version complète de la lettre en partie présentée dans l’article : «Toutes et tous coupables – Partie I : Défaillances dans le système de santé québécois, un enjeu d’ordre structurel».
Ce mot a été écrit par une préposée aux bénéficiaires expliquant pourquoi elle quitte ce métier qu’était sa vocation. Elle a généreusement consenti à ce que je le partage.
« J’ai été préposée au bénéficiaire durant 4 ans.
Quatre années où j’ai rencontré des collègues toute plus emphatiques, généreuses, amicales et fortes les une que les autres.
J’ai aussi connu des collègues infirmier.ères qui nous prennent de haut puisque nous ne somme que des préposés avec un simple DEP. À vous, nous sommes vos yeux, vos mains, vos oreilles et a la limite, vos pieds.
J’ai vu des familles décider à notre place de ce qui est bien pour leur parent qui ne vienne jamais voir plus de 1h par semaine s’ils ont de la chance. Une heure par semaine à venir parler au téléphone au lieu de donner de l’amour à son parent, une heure à regarder combien de temps les préposé.es prennent pour répondre aux cloches des autres résidents et aller se plaindre par la suite au lieu de donner du temps à leur parent. Je n’ai vu que deux personnes en 3 ans en CHSLD partir en transport adapté pour aller au restaurant ou au parc avec leur famille, chose très facile à faire et qui ne demande qu’un minimum de volonté. Des familles qui n’achètent jamais les choses dont leurs parents ont besoins (produits d’hygiène, linge, linge adapté, etc.) mais qui chialent que leurs parents ne se font pas adéquatement laver ou qu’ils sont habillés en jaquette d’hôpital.
J’ai vu des gestionnaires et coordonnatrices suivre le personnel de soins pour leur rappeler l’importance de : pincer son masque, se laver les mains à répétition, ne PAS BOIRE D’EAU, ne pas DIGÉRER, et surtout ne pas sortir durant leurs congés pour ne pas rapporter de virus, mais qui nous répondent qu’il faut apprendre à lâcher prise quand une famille de 10 personnes viennent embrasser leur maman pas de masque pi manger toute dans la même assiette.
Une gestionnaire à l’hôpital, après m’avoir dit pour la troisième fois durant la semaine que j’allais encore devoir rester un 16 heures obligatoire et que j’ai refusé, m’a dit et je cite : « Tu es notre employée, nous décidons de te mettre à on ou à off quand on le veut. Si tu n’es pas contente va travailler chez Walmart ».
Ce n’est qu’une partie de la violence systématique que les préposéEs vivent chaque jour. CHAQUE JOUR. Bien entendu, si on en parle on se fait dire : ben t’as juste à changer de job… Ah oui ? Qui va s’occuper des personnes âgées et des gens malades le jour où iels seront toustes tannéEs ?
Personne.
Les préposéEs ne peuvent se battre adéquatement, car s’iels votent pour la grève iels sont menacéEs de se faire poursuivre pour avoir mis des personnes vulnérables en danger. Il serait temps que les gens comprenne que les temps sont de plus en plus graves et que s’ils ne veulent tant pas s’occuper de leurs malades ou de leurs vieux, il serait temps de se lever pour celles qui ne le peuvent.
Avec tout mon respect pour mes anciennes collègues, je vous quitte, mais je vous aime.
Sarah-Maude Lepage.