Cher journal intime,
Avant de pouvoir t’écrire il me faut sécher les sanglots qui diluent encore l’encre de ma plume. Ce n’est pas la défaite qui me rend poète et mélancolique, mais bien la surprise du résultat. Je suis déçu parce que je m’attendais à faire un deuxième mandat. Surtout que c’est ce que j’avais promis lors de ma première élection comme maire de Sherbrooke il y a 4 ans : « je suis élu pour seulement deux mandats ».
Et là, voilà-t-il pas que c’est la population de Sherbrooke qui m’empêche de tenir mes promesses, puis après on m’attaque sur mon bilan qui serait famélique alors que moi je ne fais aucune distinction entre les hommes et les femmes.
Je suis totalement surpris que la population de Sherbrooke m’ait fait terminer troisième de l’élection alors que pendant 4 ans j’ai donné mon 100%. Et un 100% de Steve, ça vaut bien un 50% de Beaudin et un 150% de Fortin. Je ne chiffrerai pas le potentiel de M. Tétreault qui est arrivé 4e à la mairie, parce que je n’ai pas pu évaluer sa connaissance des dossiers pendant les débats. Parce que le « dossier », c’est l’échelle de mesure du succès et du travail en politique, comme le km/h l’est pour le motocross. Et « à regarder la plupart des dossiers vus à la mairie, c’est là que je me rends compte à quel point on en a fait des dossiers ». D’où ma surprise, d’où ma tristesse. Enfin, je me console dans mon garage en
« regardant tous mes trophées de BMX et motocross, et je me dis que je n’ai pas toujours eu la première place ». Comme à l’école aussi, mais à l’école on donne aux premiers une grande feuille de papier dans un cadre plutôt qu’une coupe, alors je ne voyais pas trop l’intérêt de collectionner les feuilles de papier.
Je sais mon cher journal que pendant ces 4 ans il y a eu des ricanements dans mon dos. Eh oui messieurs et mesdames les mauvaises langues, vous oubliez que si Walt Disney a dessiné Simplet avec des grandes oreilles c’est pour entendre tous vos mauvais commentaires juste là pour dénigrer mes beaux projets décidés par le maire d’avant. Mais rien, aucune remarque désagréable, aucun commentaire pertinent sur mon leadership, n’a pu effacer de mon visage mon sourire béat.
Et d’ailleurs, puisque c’est maintenant l’heure des bilans, j’espère que les commentateurs bien tranquillement installés dans leur sofa plutôt que laborieusement assis devant le bureau de maire n’oublieront pas de souligner que mes 4 ans comme maire de Sherbrooke ont permis de faire l’Histoire. Après mes 4 ans à la tête de la ville, nous avons pu vivre une deuxième défaite cuisante d’un ministre libéral. Après mes 4 ans à la tête de la ville, Sherbrooke est maintenant dirigée par des élu.es progressistes, à tendance socialiste et environnementaliste. Après mes 4 ans à la tête de la ville, enfin, Sherbrooke peut espérer un destin à la hauteur des ambitions de ceux et celles qui l’habitent et qui croient qu’un autre monde est possible. Si ça, ça n’est pas un incroyable bilan politique, montrez-moi celui ou celle qui en a un meilleur!
Mais je suis serein, la démocratie a parlé et on doit la respecter. Quel sera mon avenir? Toi cher journal qui connais tout le profond de mon cœur tu sais que je suis un entrepreneur, et que le monde des affaires va très vite venir me chercher. J’attends son appel (et j’ai appelé Vidéotron pour m’assurer que ma ligne fonctionne parce que le téléphone ne sonne pas). Maintenant que le rideau tombe sur ma plus belle représentation d’artiste – et le lyrisme qui me prend actuellement montre jusqu’où l’émotion peut m’emmener – je me dois d’adresser un dernier mot à celles et ceux qui ont suivi mon parcours dans tes pages pendant ces quatre dernières années. Ho, rien de bien révolutionnaire, rien qui ne change de ce que j’ai pu dire dans mes prises de paroles pendant 4 ans. Mais des mots qui viennent d’un cœur pur et sincère : « Merci beaucoup, beaucoup, beaucoup à la population. Merci beaucoup à vous. Merci. » Clap de fin, rideau, sourire (sûr, sûr, sûr).