Crise

Date : 7 avril 2012
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Le Québec est en crise. Eh non, malgré ce que voudrait en penser Jean Charest, on n’assiste pas présentement à un simple mécontentement d’une population un peu bipolaire. Il ne s’agit pas d’une crisette d’adolescente qui chiale parce qu’elle veut écouter la finale d’Occupation Double plutôt que la game du Canadien. On ne parle pas ici d’un épisode de boudage en règle de ladite adolescente. C’est tout le Québec qui veut se séparer de son gouvernement. Et ce n’est pas nécessairement une bonne nouvelle pour les autres prétendants (PQ, ADQ, Québec Solidaire). La population est décidément mûre pour se retrouver, un peu seule, et se regarder dans le miroir.

Commençons avec l’éducation. Le 6 décembre dernier, à la réunion des « partenaires » de l’éducation, la FEUQ, la FTQ et la CSN ont claqué la porte de la rencontre. La FTQ, la plus grande centrale syndicale au Québec, venait après tout d’adopter, une semaine auparavant à son congrès, une résolution pour la gratuité scolaire. Rien de moins.

La ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, faisait un peu pitié devant les tirs croisés des étudiants et des syndicats d’un côté et les recteurs et le patronat de l’autre. « Il faudra s’assurer, affirma-t-elle, de savoir à quoi servira l’argent » levé par ces nouvelles augmentations de frais de scolarité. Le commentaire laisse perplexe. Comment la ministre peut ignorer à quoi va servir l’argent?

De leur côté, les recteurs s’en sont donné à cœur joie dans la bataille intergénérationnelle. Fini le temps où c’était la génération X qui bitchait les baby-boomers pour l’endettement de l’État. Ceux-ci exigent maintenant que leurs petits-enfants payent la « même affaire qu’eux autres ». Il faudrait donc que les étudiants payent le même montant qu’eux ont payé… en 1968.

1968? Est-ce que l’ironie est trop flagrante pour qu’on n’ose même pas en rire? N’était-ce pas en 1968 qu’ont débuté les véritables contestations de cette génération qui voulait tout et qui a tout eu? Comme si ce n’était pas déjà assez ridicule, les recteurs se plaisent à brandir des sondages sur les dépenses des étudiants, comme s’ils tenaient l’arme du crime, le smoking gun. Les jeunes ont des chars, Mme la Ministre! Et ils dépensent plus de 30 dollars par mois en restaurant. C’est un scandale!

Et… évidemment, il y a les gaz de schiste. On creuse comme des éperdus comme si le gaz allait disparaître. On vend au rabais notre sous-sol. On donne des crédits d’impôt, des congés de redevances, let’s go, let’s go! Pendant ce temps, des pays comme la Norvège réussissent à profiter réellement de leurs ressources avec la perception de redevances énormes et justifiées.

« Oh mais vous ne comprenez pas », nous disent certains éditorialistes et autre Gérard Deltel, il en va du développement du Québec. La vérité c’est que le Québec s’enrichit à peine avec son extraction minière. À ce chapitre, comme à d’autres, le gouvernement paraît de plus en plus incompétent. Oui, oui, incompétent. Par exemple, le Vérificateur général affirmait dans son rapport de 2009 que le Ministère des Ressources naturelles et de la Faune ne connaissait pas vraiment les coûts et les bénéfices, bref le bilan, de la « politique minière » du Québec (entre guillemets parce qu’il n’en existe pas vraiment une, tout comme il n’existe pas de véritable politique énergétique québécoise ).
Ah oui! N’oublions pas les allégations de corruption dans la construction et les magouilles dans la finance des partis politiques. Il y a quelques maires de municipalités qui reçoivent des enveloppes brunes et il y a le président de la FTQ qui se balade sur le yacht de son « ami de longue date », Tony Accurso.

Bref, tout le Québec demande une commission d’enquête sur la construction. Le torchon brûle entre les syndicats, les étudiants et le gouvernement. La présidente de la CSN a même demandé des États généraux sur l’éducation. Pratiquement tout le monde veut un moratoire sur l’exploration des gaz de schiste. Et pourtant, rien n’arrive.

Jean Charest affirme qu’il ne fait qu’exercer du leadership et que, ne l’oublions pas, il a été élu pour quatre ans. C’est là l’argumentaire d’un homme borné qui a une conception très personnelle de la démocratie.

Un mandat, rappelons-le, n’est pas un permis de faire n’importe quoi. Il semble de plus en plus clair que les Québécois méritent de réfléchir ensemble sur ces enjeux importants. Le financement des partis politiques est-il adéquat? Le directeur général des devrait-il avoir plus de moyens? L’éducation est-elle un investissement personnel ou collectif?

Plus que jamais, le Québec doit réfléchir à son avenir. Ce n’est pas une simple chicane. Le Québec a besoin d’une thérapie de couple. Un premier ministre responsable devrait naturellement s’en rendre compte.

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